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Le blog de Jean-Claude JOSEPH

Dans les années 2000, je suivais dans mon cabinet, un jeune couple.

En lisant le numéro de sécurité sociale de l’épouse, je constatais que le département de naissance était celui de la Creuse (23).

Mû par je ne sais quelle inspiration, je leur demandais alors quelle était leur ville d'origine en Creuse.

Surpris par ma question, ils me répondirent amusés :

« Mais vous ne devez pas connaître, Docteur. Nous sommes de Bourganeuf ! »

En entendant Bourganeuf, me revinrent à l’esprit mes années d'uniforme et surtout les manœuvres de mon régiment , le célèbre Royal Deux Ponts (99ème RI) basé à Sathonay Camp et hélas dissout par le plan de reformatage des Armées Juppé-Chirac ! 

Et oui ce régiment avait l’habitude d’aller goûter le pré au Camp de la Courtine !

La première fois que j’y étais allé, il neigeait et nous avions souvent failli nous renverser avec la sanitaire.

Il m’est revenu alors, ma traversée de Bourganeuf lors d’une grande manœuvre divisionnaire (celle de la 15ème DI) où nous avons eu l’illusion de faire la guerre comme en vrai, de jour comme de nuit. Cela avait bien duré dix jours et nos ennemis identifiés portaient pour se reconnaître une chapka marquée de l’étoile rouge ! Les VAB avaient été débridés et fonçaient à travers champs ! La nuit il y avait les tirs éclairants et on s’y croyait vraiment   !

Mais là n’est pas le propos et revenons à Bourganeuf.

En effet, je rejoignais plus tard les forces en présence de cette grande manoeuvre divisionnaire.

L’infirmerie n'avait pas été obligée de suivre le convoi du gros des troupes. Nous avions une jeep et une sanitaire.

Sur la route de Bourganeuf, nous sommes passés par un petit village.

Mon œil fut attiré par le monument aux morts. Je demandais au chauffeur de s’arrêter. Quelque chose de singulier avait capté mon regard !

J’ai toujours été ému par ces monuments, surement à cause de mon père.

Et quand je passe devant un de ces monuments, je prends la peine de lire le nom de ces disparus morts pour la Patrie, la gorge serrée par ces sacrifices humains. On peut y noter souvent les mêmes patronymes et se dire alors que telle ou telle famille avait perdu plus de la moitié de ses enfants… Et que penser devant le nombre de morts dans tel ou tel petit village ?

Oui ce monument avait quelque chose de singulier.

Je n’avais pas noté le nom du village en y entrant !

Je sortis de la jeep.

J’ai regardé ce monument comme jamais. Il y avait une multitude de noms. Chaque famille avait dû être touchée durement.

Comme je voulais en savoir plus sur l’histoire de ce monument si puissant dans son émotion, comme j’étais le « patron » du convoi infirmerie, j’ai décidé que nous avions du temps, le temps utile pour apprendre l’Histoire.

Je fis garer les véhicules et j’abordais un passant d’un certain âge, lui montrant ma curiosité. On alla dans un café et je l’ai écouté, nous l’avons écouté presque religieusement.

Il nous confia effectivement que le village avait été durement touché, que chaque famille avait perdu plusieurs enfants. Il m’apprit aussi que ce monument n’avait jamais été inauguré et que le gouvernement essayait chaque fois de le faire disparaitre.

Et en riant il me dit qu'il était étonnant qu'un militaire lui pose ce genre de questions.

"Pourquoi ?"

"Les militaires ont ordre de détourner la tête en passant devant ce monument !"

Je lui dis que au contraire, pour moi,  ce monument avait quelque chose de précieux et que le poing tendu de cet enfant vers l’inscription gravée était vraiment remarquable !

« Maudite soit la guerre ! »

Je lui demandais le nom du village.

Il me répondit fièrement : "Gentioux !"

J’ai gardé ce nom au fond de ma mémoire.

Alors quand mes patients me dirent qu’ils étaient de Bourganeuf, je leur ai parlé de ce monument aux morts et de l'émotion qu'il avait provoqué en moi.

Bien sûr qu’ils le connaissaient. C’était une sorte de fierté de l’endroit !

Ce jeune couple a quitté Lyon en 2006, obtenant leur mutation vers leur ville d'origine. Quelques mois après, je reçus cette carte d’eux !

J’en ai eu la gorge serrée et elle a pris place en beau lieu dans mon cabinet !

En voici la reproduction !

La onzième heure du onzième jour du onzième mois !La onzième heure du onzième jour du onzième mois !

Pourquoi Gentioux ? Pourquoi aujourd’hui ?

Très simplement dans une sorte d’association de pensées et de souvenirs diffus !

Hier ont eu lieu les différentes cérémonies relatives à la commémoration de l’armistice du 11 Novembre 1918.

La Onzième heure du Onzième jour du Onzième mois !

J’ai regardé tout cela à la télévision et pour être plus précis sur la chaine publique France2.

Ce fut une journée télévisuelle exceptionnelle à mon sens et ces documentaires d’une rare qualité mériteraient d’être rediffusés  ou tout du moins qu’il soit possible de se les procurer.

J’ai pensé à mon grand-père qui avait pris les Mers pour se retrouver dans cette guerre terrible à Verdun (dans le service de santé d’ailleurs - je l'ai appris aujourd'hui) et qui en était revenu intoxiqué par les gaz. Mon père ne l’a d’ailleurs pas connu bien longtemps, à peine 1 an !

Nombre de Pondichériens avaient quitté l’Inde Française pour venir servir la France, la Mère Patrie.

Aujourd’hui, j’ai appris de ma mère qu’un autre membre de ma famille (mon grand oncle paternel) avait lui aussi combattu lors de cette guerre de 14-18. Je l’ignorais !

La onzième heure du onzième jour du onzième mois !La onzième heure du onzième jour du onzième mois !

Au fur à mesure de l’écoulement de cette journée si particulière sur France2, les reportages allaient crescendo montrant l’horreur, les horreurs, l'incroyable, l'inimaginable, la folie furieuse de cette guerre.

L’image de ce monument aux morts me revint alors !

« Maudite soit la Guerre !»

 

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