Jean-Michel Aphatie : Bonjour, François Bayrou.
François Bayrou : Bonjour.
Alain Duhamel a souligné le volontarisme du chef de l'Etat, hier, lors de son intervention télévisée, avant l'ouverture du G20. Ceci vous a-t-il convaincu,
François Bayrou ?
Oui, c'était la mise en scène d'une action politique volontariste censée tout changer.
Vous êtes ironique !
La seule question qu'on se pose, c'est qu'est-ce qui change ? C'est les résultats qui manquent et je dirai que les résultats manquent de plus en plus.
Il y en aura peut-être, vendredi, des résultats puisque le chef de l'Etat parlait du G20 et de la réunion aujourd'hui à Pittsburgh.
On verra ! Il a beaucoup accentué sur les bonus des traders, comme on dit, c'est-à-dire des gens qui sont dans les salles de marché devant leurs ordinateurs ; mais pour moi, les traders ne
sont pas la cause de la crise, ils en sont un symptôme mais pas du tout la cause de la crise. La cause de la crise c'est dans le mélange des genres des banques entre leur travail de
protection de l'épargne du consommateur, des comptes en banque de vous, de moi et de tous ceux qui nous écoutent, et les risques insensés pris pour faire de la spéculation. C'est ce
mélange-là, protection de l'épargne d'un côté et risques insensés : un jeu comme au casino de l'autre qui a entrainé de la crise. Est-ce qu'on porte remède à ça ? Jusqu'à maintenant, non.
Et donc, c'est les résultats qui manquent et je voudrais bien que ce soit aux résultats qu'on s'intéresse.
Sur cette partie-là, on fera le point, demain soir, après le sommet du G20 à Pittsburgh. Le Président de la République a aussi évoqué beaucoup de problèmes
de politique intérieure, il a notamment donné son accord au projet de soumettre à l'impôt les indemnités journalières versées par la Sécurité sociale aux accidentés du travail. Nicolas
Sarkozy a justifié ceci par le souci de l'équité fiscale. Pourriez-vous voter une telle mesure, François Bayrou ?
Sûrement pas. Sûrement pas, parce que ce que Nicolas Sarkozy - et l'UMP qui propose cette mesure - a oublié de dire qu'une personne qui est victime d'un accident du travail, c'est quelqu'un
qui perd toute la partie de son salaire lié à l'activité, c'est-à-dire les primes, les heures supplémentaires, s'il en fait, et c'est une partie importante du salaire sur bien des
bulletins de salaire, et il perd 40% du salaire. Les indemnités pour accidents du travail, c'est si je ne me trompe pas, 60% du salaire pendant le premier mois. Eh bien, une personne qui
perd toute la partie de l'activité liée à ces primes et 40% du salaire, simplement parce qu'il a été victime d'un accident pour aller à son travail, ou à son travail, il me semble qu'il ne
devrait pas être la cible de : impôts nouveaux, et c'est lui qu'on va charger. Vous voyez...
L'argument de l'équité ne vous convient pas ?
Non. Tout se passe comme si en France, c'était toujours les plus fragiles qu'on ciblait. Les accidentés du travail, les mères de famille à qui on a annoncé, je ne sais pas si ça se fera,
qu'on supprimait l'allocation pour élever des enfants...
C'est la Cour de Cassation qui a demandé une modification de la législation.
Non, non, pas du tout... Absolument pas. Là, vous évoquez les retraites des mères de famille...
Ah oui, pardon.
Et j'évoquais l'allocation pour éducation des jeunes enfants pendant les trois premières années. Mais ceux qui sont au sommet de la pyramide, ceux qui ont de très gros salaires, ceux qui
ont des revenus et des patrimoines très importants, ceux-là sont protégés par la loi, ceux-là, on a décidé une fois pour toutes qu'on ne leur demanderait aucun effort. Et c'est ce
déséquilibre-là, les plus fragiles ou en tout cas, ceux qui ne le méritent pas, ciblés et au contraire, les plus privilégiés protégés que je trouve anormal.
Alain Duhamel le notait, c'est un mot qui, aujourd'hui, est beaucoup commenté. Le Président de la République a utilisé le mot de "coupable" pour désigner
les personnes actuellement jugées dans le procès Clearstream. Lapsus ou pas ? Comment avez-vous entendu, reçu ce mot ?
Ah, monsieur Freud aurait dit que c'était un lapsus révélateur. Et révélateur de quoi ? Révélateur de l'ambiguïté de la position qui est celle de Nicolas Sarkozy dans cette affaire. Il est
à la fois, partie civile, c'est-à-dire celui qui a déposé plainte et qui se plaint et le garant de la justice, et même le supérieur hiérarchique du Parquet. Eh bien, ce déséquilibre-là,
cette position anormale, elle ne devrait pas être acceptée dans une république qui a des principes.
Vous savez, le Président de la République ne peut même pas être appelé comme témoin devant un tribunal. Il ne peut pas être poursuivi quelque soient les faits qui lui sont reprochés. Il ne
peut même pas être appelé ! Il me semble qu'il y a là un déséquilibre qui fait que naturellement, la situation qui est la sienne n'est pas normale.
Et si c'est un lapsus, après tout ça arrive à tout le monde des lapsus !
Ca arrive à tout le monde.
Ca n'est pas plus grave que cela. La Justice de votre point de vue, peut rendre tout de même ou faire tout de même sereinement son travail ?
Ah j'espère que la Justice est suffisamment indépendante, que les magistrats sont suffisamment indépendants pour ne pas être, comment dirais-je, influencés par une décision de cet ordre.
Mais c'est totalement anormal que quelqu'un puisse être partie civile et en même temps, supérieur hiérarchique de magistrats présents dans cette enceinte, des magistrats du Parquet, et en
même temps garants à la tête du Conseil supérieur de la Magistrature de tous les magistrats de France.
Le Président de la République a aussi évoqué l'évacuation des immigrés à Calais, mardi. Eric Besson, à votre place, justifiait cette opération par la
nécessité de faire appliquer, partout sur le territoire, la loi républicaine. Comprenez-vous comme cela, François Bayrou ?
J'aimerais bien que ce soit ça. Mais annoncer plusieurs jours à l'avance, une opération de police, ça veut dire que vous dites aux passeurs, aux trafiquants : échappez-vous ! Et
deuxièmement, cette "jungle", comme on dit, puisque c'est le nom qu'on a donné à cet espace horrible dans lequel ils étaient, ça fait suite à Sangatte. Eh bien, vous vous souvenez Sangatte
? On avait mis en scène, on avait dit que : plus jamais ! Ce qui est frappant, c'est que la jungle c'était pire que Sangatte et que ce qu'on risque d'avoir ça risque d'être pire encore que
la jungle.
Il ne fallait pas évacuer ?
Non, il faut garantir des conditions de propreté et de sécurité telles qu'il n'y ait pas d'espace hors droit sur le territoire national ; et dans cet espace qui serait un espace garanti et
sûr, alors on pourrait faire œuvre de police, ce qui est nécessaire.
Alba Ventura, journaliste au service "Politique" de RTL, a recueilli une confidence qu'elle n'a pas pu vérifier. Donc je vais le faire en direct, François
Bayrou : vous discuteriez avec Georges Frèche, d'une éventuelle alliance pour les élections régionales en Languedoc-Roussillon !
Eh bien je j'ai pas rencontré Georges Frèche depuis au moins cinq ans.
Et personne, chez vous, ne le rencontre ?
Et personne chez moi, ne le rencontre.
Pas d'alliance MoDem - Georges Frèche ?
Personne, chez moi, ne le rencontre. Je veux dire clairement à tous ceux qui spéculent sur des conversations souterraines, qu'il n'y a pas de conversations souterraines sur ces affaires de
régionales et qu'il est clair que ce sera une décision de l'ensemble de notre mouvement, le jour où nous mettrons la question de la stratégie pour les régionales, à l'ordre du jour.
Les pendules sont à l'heure ! François Bayrou était l'invité de RTL, ce matin. Bonne journée.
Auteur : Jean-Michel Aphatie
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