Il n'est pas anodin qu'un tel acte se fasse. Qu'un président nouvellement élu expose sa vison devant les parlementaires réunis en Congrès. Que cela se fasse à la veille du discours dit de politique générale que doit exposer le premier ministre devant le Parlement !
Il y a quelque chose de Bonaparte chez Emmanuel Macron !
Mais l'article 18 de notre constitution le permet et le président fort habilement l'indique en préambule.
J'ai lu ce discours et l'ai relu. Et bien je le trouve très bien. cette volonté exprimée de rassembler, d'aller de l'avant, cette volonté de ne pas oublier ce qu'est la France, son histoire, cette volonté de progressisme, cette volonté de revenir aux fondamentaux de l'Union européenne... et bien cela me plait et me rappelle tant la campagne présidentielle de François Bayrou en 2007 et notre projet d'Espoir. Puisse-t-il se réaliser enfin et que les progressistes prennent le pas sur les conservatismes de tout genre.
Voici donc retranscrit le texte intégral du discours du président de la République Française.
Monsieur le Président du Congrès,
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement,
Mesdames et Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
En son article 18, la Constitution permet au Président de la République de prendre la parole devant le parlement réuni à cet effet en Congrès. Il est des heures qui de cette possibilité font une nécessité, les heures que nous vivons sont de celles-là. Le 7 mai dernier, les Français m’ont confié un mandat clair, le 18 juin ils en ont amplifié la force en élisant à l’Assemblée nationale une large majorité parlementaire. Je veux aujourd’hui vous parler du mandat que le peuple nous a donné, des institutions que je veux changer, et des principes d’action que j’entends suivre.
Ce sont mille chemins différents qui nous ont conduits ici, aujourd’hui, vous et moi, animés par le même désir de servir et même si ce désir n’a pas le même visage, pas la même forme, même s’il n’emporte pas les mêmes conséquences, nous en connaissons vous et moi la source, ce simple amour de la patrie. Certains font de la politique depuis longtemps ; pour d’autres au nombre desquels je me range, ça n’est pas le cas. Vous soutiendrez ou vous combattrez selon vos convictions le gouvernement que j’ai nommé mais à la fin, nous savons tous que quelque chose de très profond nous réunit, nous anime, et nous engage. Oui, le simple amour de la patrie que celle-ci s’incarne dans la solitude des collines de Haute-Provence ou des Ardennes, dans la tristesse des grands ensembles où une partie de notre jeunesse s’abîme, dans la campagne parfois dure à vivre et à travailler, dans les déserts industriels mais aussi dans la gaité surprenante des commencements.
De cet amour, nous tirons tous, je crois, la même impatience qui est une impatience d’agir. Elle prend parfois les traits de l’optimisme volontaire, d’autres fois ceux d’une colère sincère, toujours elle découle de cette même origine.
Nous avons vous et moi reçu le mandat du peuple ; qu’il nous ait été donné par la Nation entière ou par les électeurs d’une circonscription ne change rien à sa force ; qu’il ait été porté par le suffrage direct ou par le suffrage indirect ne change rien à sa nature ; qu’il ait été obtenu voici un certain temps déjà ou bien récemment à l’issue d’une campagne où toutes les opinions ont pu s’exprimer dans leur diversité et que vous incarniez ces opinions différentes ici aujourd’hui ne change rien à l’obligation collective qui pèse sur nous.
Cette obligation est celle d’une transformation résolue, et profonde tranchant avec les années immobiles ou avec les années agitées toutes aux résultats également décevants, c’est par cette voie que nous retrouverons ce qui nous a tant manqué, la confiance en nous, la force nécessaire pour accomplir nos idéaux. Ce qui nous est demandé par le peuple, c’est de renouer avec l’esprit de conquête qui l’a fait pour, enfin, le réconcilier avec lui-même. En vous élisant, dans votre nouveauté radicale à l’Assemblée nationale, le peuple français a montré son impatience à l’égard d’un monde politique trop souvent fait de querelles et d’ambitions creuses où nous avions vécu jusqu’alors.
C’est aussi à une manière de voir la politique qu’il a donné congé. En accordant leur confiance à des femmes et des hommes ici réunis, les Français ont exprimé une impérieuse attente, la volonté d’une alternance profonde et je suis sûr que vous êtes ici tous aussi conscients que moi et je sais bien aussi que les sénateurs en ont une pleine conscience bien que leur élection soit plus ancienne, parce qu’ils ont perçu eux si attentifs par nature aux mouvements du temps les espoirs nouveaux que l’expression du suffrage universel direct a fait naître.
Etre fidèle à ce que le peuple français a voulu suppose donc une certaine forme d’ascèse, une exigence renforcée, une dignité particulière et sans doute plus encore aujourd’hui qu’hier. Les mauvaises habitudes reviennent vite ; marqués par une époque de cynisme, de découragement, et j’ose le dire de platitude, nombreux sont ceux encore qui spéculent sur un échec qui justifierait leur scepticisme. Il vous appartiendra, il nous appartiendra de les démentir et il nous appartiendra aussi de convaincre tous ceux qui attendent qui nous font confiance du bout des lèvres, tous ceux qui n’ont pas voté, tous ceux aussi que la colère et le dégoût devant l’inefficacité, notre inefficacité bien souvent ont conduit à des choix extrêmes d’un bord ou de l’autre de l’échiquier politique et qui sont des choix dont la France dans sa grandeur comme dans son bonheur n’a rien à attendre.
Ce mandat du peuple que nous avons reçu, quel est-il exactement ? Pour le savoir, il faut sortir de ce climat de faux procès où le débat public nous a enfermés trop longtemps. Il nous faut retrouver de l’air, de la sérénité, de l’allant ; il y faut un effort parce que ces faux procès sont nombreux.
S’agit-il de réformer le droit du travail pour libérer, dynamiser l’emploi au bénéfice d’abord de ceux qui n’en ont pas ? On nous dira qu’il s’agit d’adapter la France aux cruautés de l’univers mondialisé ou de satisfaire aux diktats de Bruxelles !
S’agit-il de réduire nos dépenses publiques pour éviter à nos enfants de payer le prix de nos renoncements ? On nous dira que nous remettons en cause notre modèle social.
S’agit-il de sortir de l’état d’urgence ? On nous dira d’un côté que nous laissons la France sans défense face au terrorisme, et de l’autre que nous bradons nos libertés.
Eh bien, rien, rien de tout cela n’est vrai.
Derrière tous ces faux procès, on trouve le même vice, le vice qui empoisonne depuis trop longtemps le débat public : le déni de réalité, le refus de voir le réel en face dans sa complexité et ses contraintes ; l’aveuglement face à un état d’urgence qui est autant économique et social que sécuritaire.
Là-dessus, j’ai toujours considéré que le peuple français était plus sage et plus avisé que beaucoup ne le croient. Si bien que je pense profondément que le mandat que nous avons reçu du peuple est un mandat à la fois exigeant et profondément réaliste, et que pour l’accomplir, nous devons nous placer au-delà de la stérilité de ces oppositions purement théoriques et qui, si elles garantissent de beaux succès de tribune, n’apportent rien.
Notre premier devoir est tout à la fois de retrouver le sens et la force d’un projet ambitieux de transformation de notre pays et de rester arrimés au réel. De ne rien céder au principe de plaisir, aux mots faciles, aux illusions pour regarder en face la réalité de notre pays sous toutes ses formes.
Ce mandat du peuple français donc, quel est-il ?
C’est d’abord le mandat de la souveraineté de la Nation. C’est de pouvoir disposer de soi-même, malgré les contraintes et les dérèglements du monde. Voyons la réalité en face. Les forces de l’aliénation sont extrêmement puissantes.
Aliénation à la nouvelle division du travail qui s’esquisse dans un univers en transformation profonde, où le numérique recompose des secteurs entiers de l’économie, bouscule des équilibres et des emplois.
Aliénation à la misère, à la pauvreté, ou même seulement à l’insatisfaction, si nous ne permettons pas à chacun de trouver un travail qui lui corresponde, qu’il soit heureux d’accomplir, une place et une dignité qui soit la sienne dans la société.
Aliénation à la contrainte financière, si nous ne rétablissons pas notre budget, si nous ne réduisons pas notre dette publique.
Aliénation à la volonté d’autres pays, dans l’Europe comme au sein de nos alliances, si nous ne remettons pas nos affaires en ordre.
Aliénation à la terreur islamiste, si nous ne trouvons pas le moyen de la détruire sans rien lui céder de nos valeurs, de nos principes.
Aliénation de notre avenir, si nous ne parvenons pas à organiser la transition écologique, à protéger la planète.
Aliénation de notre vie dans ce qu’elle a de plus quotidien, si les aliments que nous mangeons, l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons, nous sont imposés, et pour le pire, par les seules forces d’une compétition internationale devenue anarchique.
Je crois fermement que sur tous ces points, le peuple nous a donné le mandat de lui rendre sa pleine souveraineté.
Mais c’est aussi le mandat du projet progressiste, d’un projet de changement et de transformation profonds. Nos concitoyens ont fait le choix d’un pays qui reparte de l’avant, qui retrouve l’optimisme et l’espoir. Ils l’ont fait parce qu’ils savent bien, parce que nous savons bien, que, dans un monde bouleversé par des changements profonds, sans ce mouvement, sans cette énergie créatrice, la France n’est pas la France. Ils savent, parce que cela a été notre expérience commune de ces dernières années, qu’une France arrêtée s’affaisse, se divise, qu’une France apeurée, recroquevillée et victime, s’épuise en querelles stériles et ne produit que du malheur, malheur individuel et malheur collectif.
Elle est là, notre mission historique. Cette mission, la mienne, celle du Gouvernement, la vôtre, n’est pas dévolue à un petit nombre. Elle est dévolue à tous car chacun y a sa part. La France possède des trésors de créativité, des ressources inépuisables. Mais je ne pense pas simplement là tous nos talents ; je pense à chaque Française, à chaque Français, soucieux de bien faire et de mener une vie digne de lui.
Elle est là, la vraie richesse d’un pays et le mandat qui nous est donné, c’est de créer de l’unité où il y avait de la division ; de redonner à ceux qui sont exclus la simple dignité de l’existence, leur juste place dans le projet national : de permettre à ceux qui créent, inventent, innovent, entreprennent, de réaliser leurs projets ; de rendre le pouvoir à ceux qui veulent faire et font.
Le mandat du peuple, ce n’est pas d’instaurer le gouvernement d’une élite pour elle-même, c’est de rendre au peuple cette dignité collective qui ne s’accommode d’aucune exclusion.
Seulement voilà : jusqu’ici, trop souvent, nous avons fait fausse route. Nous avons préféré les procédures aux résultats, le règlement à l’initiative, la société de la rente à la société de la justice. Et je crois profondément que par ses choix récents, notre peuple nous demande d’emprunter une voie radicalement nouvelle.
Je refuse pour ma part de choisir entre l’ambition et l’esprit de justice. Je refuse ce dogme que pour bâtir l’égalité, il faudrait renoncer à l’excellence, pas plus que pour réussir, il ne faut renoncer à donner une place à chacun. Le sel même de notre République est de savoir conjuguer ces exigences, oui, de faire tout cela, en quelque sorte, « en même temps ».
Cette voie désoriente, je l’entends bien, tous ceux qui s’étaient habitués à faire carrière sur les schémas anciens. Il en est ainsi à chaque période lorsque le renouveau s’impose et que l’inquiétude à certains endroits peut naître. Mais nous avons à prendre la mesure des efforts que va nous imposer cette formidable soif de renouvellement dont nous sommes, vous et moi, les porteurs.
Le mandat du peuple, c’est aussi le mandat de la confiance et de la transparence.
Nous sommes un vieux peuple politique, la politique est importante pour nos concitoyens, on lui demande tout, parfois trop, on lui en veut souvent, parfois trop aussi, et c’est parce qu’elle est essentielle à ce point que les Français avaient fini par s’exaspérer devant l’espérance confisquée. Mais vous êtes ici tous et toutes les dépositaires de ce désir de changement qui nous est interdit de trahir. Et ce changement doit aussi porter sur les comportements, il ne peut y avoir de réforme sans confiance, il ne peut y avoir de confiance si le monde politique continue d’apparaître même si c’est la plupart du temps injuste comme le monde des petits arrangements à mille lieux des préoccupations des Français.
La loi que le gouvernement proposera à vos suffrages n’a pas d’autre but, nous avons déjà changé depuis plusieurs années et nous avons changé en bien. Nous avons cessé de supporter ce qui semblait presque normal autrefois, l’opacité, le clientélisme, les conflits d’intérêts, tout ce qui relève d’une forme de corruption ordinaire presque impalpable. Pour autant, nul n’est irréprochable car si l’exigence doit être constante, si nous sommes tous dépositaires de la dignité qui sied à nos fonctions et chaque jour nous oblige, la perfection n’existe pas. Oui, nous voulons une société de confiance et pour cela une loi ne suffit pas. C’est un comportement de chaque jour mais nous voulons aussi cette confiance parce que la société de la délation et du soupçon généralisé qui était jusque là la conséquence de l’impunité de quelques puissants ne nous plait pas davantage.
La loi du gouvernement sera votée, je n’en doute pas, mais après qu’elle l’aura été j’appelle à la retenue, j’appelle à en finir avec cette recherche incessante du scandale, avec le viol permanent de la présomption d’innocence, avec cette chasse à l’homme où parfois les réputations sont détruites et où la reconnaissance de l’innocence des mois, des années plus tard ne fait pas le dixième du bruit qu’avait fait la mise en accusation initiale. Cette frénésie qui a touché tous les camps depuis tant de mois, parfois tant d’années est indigne de nous et des principes de la République. Le mandat du peuple c’est enfin le mandat de la fidélité historique. Les Français demandent à leur gouvernement de rester fidèle à l’histoire de la France, encore faut-il s’entendre sur le sens que l’on donne à ces mots.
Ces dernières années, l’histoire a été prise en otage par le débat politique. Nous avons vu fleurir l’histoire pro-coloniale et celle de la repentance, l’histoire identitaire et celle multiculturelle, l’histoire fermée et l’histoire ouverte, il n’appartient pas au pouvoir exécutif ou législatif de décréter le roman national. Que l’on veuille lui donner une forme réactionnaire ou une forme progressiste, cela ne signifie pas que l’histoire de France n’existe pas, qu’il ne faut pas en être fier tout en regardant lucidement ses parts d’ombre, ses bassesses. Mais pour nous elle doit prendre la forme non d’un commentaire, non d’une revendication ou d’une transformation mais d’une action résolue en faveur du meilleur. Parce que c’est dans cette action que nous pouvons retrouver les grands exemples du passé, nous en nourrir et les prolonger.
Et à la fin nous aussi, nous aussi nous aurons fait l’histoire sans nous être réclamés abusivement ce qu’elle pourrait être mais en regardant le réel et en gardant nos esprits et nos volontés tendus vers le meilleur, c’est ce que nous appelons le progressisme. Ce n’est pas de penser que toute nouveauté est forcément bonne, ce n’est pas d’épouser toutes les modes du temps, c’est à chaque moment pas après pas de discerner ce qui doit être corrigé, amendé, rectifié, ce qui à certains endroits doit être plus profondément refondé. Ce qui manque à la société pour devenir plus juste et plus efficace ou plus exactement plus juste parce que plus efficace, plus efficace parce que plus juste. C’est une éthique de l’action et de la responsabilité partagée, c’est la fidélité à notre histoire et à notre projet républicain en actes car la République ce n’est pas des lois figées, des principes abstraits, c’est un idéal de liberté, d’égalité, de fraternité, chaque jour re-sculpté et repensé à l’épreuve du réel.
L’action politique n’a de sens que si elle est précisément accomplie au nom d’une certaine idée de l’homme, de son destin, de sa valeur indépassable et de sa grandeur. Cette idée la France la porte depuis longtemps, rien d’autre ne doit compter à nos yeux, ce n’est pas la société des entrepreneurs que nous voulons ou la société de l’équilibre des finances publiques ou la société de l’innovation, tout cela est bien, tout cela est utile mais ce ne sont que des instruments au service de la seule cause qui vaille, une cause à laquelle le nom de la France est attaché depuis bien longtemps et cette cause est la cause de l’homme. Nous différons entre nous et ici même sur les moyens mais je suis sûr que nous ne différons pas sur ce but et le savoir et nous le rappeler sans cesse parfois dans les pires moments devrait rendre à notre débat public cette dignité, cette grandeur qui sur fond de tant d’abandons et d’échecs collectifs lui ont cruellement manqué ces dernières années. C’est à l’aune de ce mandat du peuple que nous avons à construire notre politique pour les cinq ans qui viennent.
Vous l’aurez compris, et vous le savez déjà intimement, nous n’avons pas devant nous cinq ans d’ajustements et de demi-mesures, les Français ne sont pas animés par une curiosité patiente mais par une exigence intransigeante, c’est la transformation profonde qu’ils attendent, qu’ils espèrent, qu’ils exigent, ne la redoutons pas, embrassons-la bien au contraire. La charte de notre action a été fixée durant la campagne et vous en connaissez les jalons sur lesquels je ne reviendrai pas. Les engagements seront tenus, les réformes et ses transformations profondes auxquelles je me suis engagé seront conduites. Le Premier ministre, Edouard PHILIPPE, que j’ai nommé afin qu’il soit le dépositaire à la tête du gouvernement de ces engagements en présentera la mise en œuvre dans son discours de politique générale.
Mais tout cela, tout cela ne sera possible que si nous avons une République forte et il n’est pas de République forte sans institutions puissantes. Nées de temps troublés, nos institutions sont résistantes aux crises et aux turbulences, elles ont démontré leur solidité mais comme toutes les institutions elles sont aussi ce que les hommes en font. Depuis plusieurs décennies maintenant l’esprit qui les a fait naître s’est abîmé au gré des renoncements et des mauvaises habitudes. En tant que garant du bon fonctionnement des pouvoirs publics, j’agirai en suivant trois principes, l’efficacité, la représentativité et la responsabilité.
L’efficacité d’abord, il nous faut du temps pour penser la loi, du temps pour la concevoir, la discuter et la voter, du temps aussi pour s’assurer des bonnes conditions de son application. Souhaiter que nos institutions soient plus efficaces ce n’est donc pas sacrifier au culte de la vitesse, c’est rendre la priorité au résultat. Sachons mettre un terme à la prolifération législative, cette maladie nous la connaissons, elle a été tant et tant nommée et je crains moi-même dans une vie antérieure d’y avoir participé. Elle affaiblit la loi qui perd dans l’accumulation des textes une part de sa vigueur et certainement de son sens. Telle circonstance, tel imprévu, telle nouveauté ne sauraient dicter le travail du législateur car la loi n’est pas faite pour accompagner servilement les petits pas de la vie de notre pays, elle est faite pour en encadrer les tendances profondes, les évolutions importantes, les débats essentiels et pour donner un cap. Elle accompagne de manière évidente les débuts d’un mandat.
Mais légiférer moins ensuite c’est consacrer plus d’attention aux textes fondamentaux, à ces lois venant répondre à un vide juridique, venant éclairer une situation inédite, c’est cela le rôle du Parlement. Légiférer moins c’est mieux allouer le temps parlementaire, c’est en particulier réserver de ce temps au contrôle et à l’évaluation. Je sais que nombre d’entre vous y ont déjà beaucoup réfléchi et je ne mésestime pas les progrès faits durant ces dernières années en la matière. Mais nous devons aller plus loin encore car voter la loi ne saurait être le premier et le dernier geste du Parlement. Nos sociétés sont devenues trop complexes et trop rapides pour qu’un texte de loi produise ses pleins effets sans se heurter lui-même au principe de réalité.
La voix des citoyens concernés par les textes que vous votez ne saurait être perçue comme attentatoire à la dignité législative, elle est la vie, elle est le réel, elle est ce pour quoi vous œuvrez, nous œuvrons. C’est pourquoi bien suivre l’application d’une loi, s’assurer de sa pertinence dans la durée, de ses effets dans le temps pour la corriger ou y revenir est aujourd’hui devenu une ardente obligation.
Pour toutes ces raisons, je souhaite qu’une évaluation complète de tous les textes importants comme aujourd’hui celle sur le dialogue social ou encore sur la lutte contre le terrorisme dont nous avons récemment jeté les bases soit menée dans les deux ans suivant leur mise en application. Il est même souhaitable qu’on évalue l’utilité des lois plus anciennes afin d’ouvrir la possibilité d’abroger des lois qui auraient par le passé été trop vite adoptées, mal construites ou dont l’existence aujourd’hui représenterait un frein à la bonne marche de la société française.
Enfin, le rythme de conception des lois doit savoir répondre aux besoins de la société. Il est des situations d’urgence que le rythme propre au travail parlementaire ne permet pas de traiter suffisamment vite, songez à l’encadrement des pratiques issues du numérique en matière de protection des droits d’auteurs, de la vie privée de nos concitoyens ou de la sécurité nationale. Notre temps collectif est aujourd’hui trop lent et il faut qu’au temps long du travail législatif que je viens d’évoquer soit ajouté la faculté d’agir vite. Ainsi, la navette pourrait être simplifiée, je pense même que vous devriez pouvoir dans les cas les plus simples voter la loi en commission, tout cela vous y avez pour nombre d’entre vous beaucoup travaillé, tout cela doit être sérieusement étudié mais pour désormais le faire.
Je n’ignore rien des contraintes qui pèsent sur vous, le manque de moyens, le manque d’équipes, le manque d’espace contrarient en partie les impératifs d’efficacité que je vous soumets. Pour cela, il est une mesure depuis longtemps souhaitée par nos compatriotes qu’il me semble indispensable de mettre en œuvre, la réduction du nombre de parlementaires. Un Parlement moins nombreux mais renforcé dans ses moyens c’est un Parlement où le travail devient plus fluide, où les parlementaires peuvent s’entourer de collaborateurs mieux formés et plus nombreux, c’est un Parlement qui travaille mieux. C’est pourquoi je proposerai une réduction d’un tiers du nombre des membres des trois assemblées constitutionnelles. Je suis convaincu que cette mesure aura des effets favorables pour la qualité générale du travail parlementaire.
Ca n’est pas, céder à l’antiparlementarisme ambiant, bien au contraire, car les Français pour leur majeure partie en sont également certains, cette réforme est indispensable. Cette réforme qui devra être conduite en veillant à la juste représentation de tous les territoires de la République, hexagonaux et ultramarins, n’a pas pour but de nourrir cet antiparlementarisme ambiant, elle vise à donner aux élus de la République plus de moyens et plus de poids.
Le devoir d’efficacité ne saurait peser seulement sur le Parlement. L’exécutif doit en prendre sa part. Et d’abord, précisément, vis-à-vis du Parlement.
C’est pourquoi, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, j’ai voulu vous réserver, et à travers vous, aux Français, ma première expression politique depuis mon élection.
Trop de mes prédécesseurs se sont vu reprocher de n’avoir pas fait la pédagogie de leur action, ni d’avoir exposé le sens et le cap de leur mandat. Trop d’entre eux aussi ont pris des initiatives, dont le Parlement n’était que secondairement informé, pour que je ne me satisfasse d’en reconduire la méthode.
Tous les ans, je reviendrai donc devant vous pour vous rendre compte.
Si la considération et la bienveillance que cela traduit à l’égard du Parlement apparaissent à certains comme une dérive condamnable, c’est sans doute qu’ils ont de leur rôle de parlementaire et du rôle du Président de la République une conception vague que masque mal l’arrogance doctrinaire ou le sectarisme.
Il est toujours préoccupant que des représentants du peuple se soustraient aux règles de la Constitution qui les a fait élire. SIEYES et MIRABEAU ne désertèrent pas, je crois, si promptement le mandat que leur avait confié le peuple.
Le Président de la République doit fixer le sens du quinquennat et c’est ce que je suis venu faire devant vous. Il revient au Premier ministre qui dirige l’action du Gouvernement de lui donner corps. C’est à lui qu’incombe la lourde tâche d’assurer la cohérence des actions, de conduire les transformations, de rendre les arbitrages et, avec les ministres, de vous les présenter. Je souhaite que cette responsabilité ait un sens.
C’est pourquoi je demanderai au Premier ministre d’assigner à chacun des objectifs clairs dont, annuellement, ils lui rendront compte.
De même, l’efficacité commande que les ministres soient au cœur de l’action publique et retrouvent avec leur administration un contact plus direct. La réduction que j’ai voulue à dix du nombre de collaborateurs de cabinet, comme le renouvellement de l’ensemble des directeurs d’administration centrale répond à cette priorité.
Il s’agit de rendre aux directeurs d’administration, disposant alors de la pleine confiance du Gouvernement, la connaissance directe de la politique qu’ils auront à mettre en œuvre et de partager ainsi, au sein du Gouvernement et de toute l’administration, cette responsabilité partagée dont le peuple nous a fixé le cap.
Soumis eux-mêmes à l’obligation de résultat par la feuille de route qui les lie au Premier ministre, les ministres ne perdront pas de vue pour autant les conditions de mise en œuvre de leur politique. Je veux à cet effet une administration plus déconcentrée, qui conseille plus qu’elle ne sanctionne, qui innove et expérimente plus qu’elle ne contraigne. Tel est le cercle vertueux de l’efficacité. C’est cette administration qui doit redonner à tous les territoires les moyens d’agir et de réussir.
Car, à la fin, notre démocratie ne se nourrit que de l’action et de notre capacité à changer le quotidien et le réel.
Mais ce souci d’efficacité ne suffira pas à rendre à notre démocratie l’oxygène dont trop longtemps elle fut privée. S’il faut en finir avec la République inefficace, il faut en finir aussi bien avec la République du souffle court, des petits calculs, de la routine. Nous ne retrouverons la respiration profonde de la démocratie que dans le renouement avec la variété du réel, avec la diversité de cette société française à l’écart de laquelle nos institutions se sont trop soigneusement tenues, n’admettant le changement que pour les autres mais pas pour elles.
La réalité est plurielle, la vie est plurielle. Le pluralisme s’impose à nos institutions, qui s’affaiblissent dans l’entre soi.
Nous avons fait entrer ici la grande diversité française. Elle est sociale, professionnelle, géographique, de genre et d’origine, d’âge et d’expériences, de croyances et d’engagements. Elle constitue un alliage inédit de compétences et de destins dont vous êtes aujourd’hui les visages.
Mais tout cela n’a pas été composé comme un nuancier savant. Nous avons simplement ouvert les portes aux citoyens auxquels le monde politique refusait l’accès.
Je souhaite que ce renouvellement scelle le retour du débat que n’aveuglent pas les dogmes, du partage d’idées que ne dénature pas le caporalisme. C’est aussi pour cela que je crois à la vertu du pluralisme, au respect plein et entier des oppositions. Non parce qu’il s’agirait d’un usage. Mais, car c’est la dignité du débat démocratique et cela sera notre ardente responsabilité.
La représentativité reste toutefois un combat inachevé dans notre pays. Je souhaite le mener avec vous résolument. Je proposerai ainsi que le Parlement soit élu avec une dose de proportionnelle, pour que toutes les sensibilités y soient justement représentées.
C’est à cette même fin que nous limiterons le cumul des mandats dans le temps pour les parlementaires. Car il s’agit là de la clef de voûte d’un renouvellement qui ne se produira pas sous la pression et l’exaspération citoyenne, mais deviendra le rythme normal de la respiration démocratique. Les parlementaires eux-mêmes verront dans leur mandat une chance de faire avancer le pays et non plus la clef d’un cursus à vie.
Il est d’autres institutions de la République que le temps a figées dans les situations acquises, quand le sens véritable de leur mission eût été d’incarner le mouvement vivant de la société française.
Le Conseil Economique, Social et Environnemental est de celles-ci. Sa mission était de créer entre la société civile et les instances politiques un trait d’union, fait de dialogue constructif et de propositions suivies d’effets. Cette intention fondatrice s’est un peu perdue. Je souhaite qu’on renoue avec elle.
Le Conseil Economique Social et Environnemental doit devenir la Chambre du futur, où circuleront toutes les forces vives de la Nation. Pour cela, nous devons revoir, tout en réduisant le nombre de ses membres d’un tiers, de fond en comble les règles de sa représentativité. Celle-ci étant acquise, nous ferons de cette Assemblée le carrefour des consultations publiques et le seul.
L’Etat ne travaille pas, ne réforme pas, sans consulter. Et c’est bien normal. Mais les instances de consultation se sont multipliées. Nous ne savons même plus les dénombrer. Elles ont toutes leur justification de représenter une part vibrante de la société civile. Mais c’était le rôle initial du Conseil Economique, Social et Environnemental. En le réformant, nous en ferons l’instance unique de consultation prévue par tous nos textes.
Cela sera un élément d’une plus grande représentativité de notre société civile. Dans le même temps, un élément de simplification de nos procédures, de simplification de la fabrique de la loi.
Ce Conseil doit pouvoir devenir le forum de notre République, réunir toutes les sensibilités et toutes les compétences et donner un lieu en quelque sorte à l’expression de toutes les sensibilités du monde de l’entreprise et du travail, des entrepreneurs comme des syndicats, des salariés comme des indépendants, mais aussi des associations et des organisations non gouvernementales.
Dans le même temps, je souhaite que le droit de pétition soit revu, afin que l’expression directe de nos concitoyens soit mieux prise en compte et que les propositions des Français puissent être présentées, dans un cadre défini et construit, à la représentation nationale.
Là aussi, il en va de la représentativité de notre démocratie. Une représentativité qui ne vivrait pas seulement une fois tous les cinq ans, mais au quotidien dans l’action du législateur.
Fondé sur une représentativité plus grande, animé par le souci d’efficacité, le débat démocratique et plus particulièrement le débat parlementaire retrouveront – j’en suis sûr – leur vitalité. Le désir d’agir et de faire avancer la société reprendra son rang premier au sein de nos institutions et il rejoindra cet autre principe souverain, dont trop souvent nous nous sommes départis, celui de responsabilité.
Une activité parlementaire revivifiée par un cap clair, des débats mieux construits, c’est un Parlement plus apte à exercer sa mission de contrôle, sans laquelle la responsabilité de l’exécutif ne vit pas, est affaiblie.
Je souhaite qu’au Parlement, la majorité comme les oppositions puissent avoir encore davantage de moyens pour donner un contour et une exigence à la responsabilité politique de l’exécutif.
Les ministres eux-mêmes doivent devenir comptables des actes accomplis dans leurs fonctions ordinaires. C’est pour cette raison que je souhaite la suppression de la Cour de Justice de la République. Il faudra trouver la bonne organisation, mais nos concitoyens ne comprennent plus pourquoi seuls les ministres pourraient encore disposer d’une juridiction d’exception.
Faire vivre la responsabilité partout dans nos institutions, c’est aussi assurer l’indépendance pleine et entière de la justice. C’est une ambition qui doit demeurer, malgré les impasses et les demi-échecs rencontrés dans le passé. Je souhaite à cette fin que nous accomplissions enfin cette séparation de l’exécutif et du judiciaire, en renforçant le rôle du Conseil supérieur de la magistrature et en limitant l’intervention de l’exécutif dans les nominations des magistrats du Parquet. A tout le moins, ce Conseil devrait donner un avis conforme pour toutes les nominations de ces magistrats.
C’est un changement profond des pratiques et des règles que j’appelle de mes vœux. Je ne méconnais pas l’évolution institutionnelle et constitutionnelle que cela requiert. C’est pourquoi je demanderai à Madame la Garde des Sceaux et aux ministres compétents, ainsi qu’aux présidents des deux Chambres, de me faire pour l’automne des propositions concrètes permettant d’atteindre cet objectif.
Je souhaite que la totalité des transformations profondes que je viens de détailler et dont nos institutions ont cruellement besoin soit parachevée d’ici un an et que l’on se garde des demi-mesures et des aménagements cosmétiques. Ces réformes seront soumises à votre vote. Mais si cela est nécessaire, je recourrai au vote de nos concitoyens par voie de référendum.
Car, il s’agit ici de rien moins que de retisser entre les Français et la République le rapport qui s’est dissous dans l’exercice mécanique du pouvoir. Je veux réveiller avec vous le sens du pacte civique, je veux que l’efficacité, la représentativité et la responsabilité fassent émerger clairement et fortement une République contractuelle. La confiance accordée y va de pair avec les comptes qu’on rend. L’action s’y déploie dans un cadre partagé entre le mandataire et le mandant et non au fil des circonstances. C’est cela le sens du contrat social qui fonde la République.
Ce que nous ferons pour les institutions de la République, je souhaite le faire aussi pour nos territoires. Ne redoutons pas de nouer avec les territoires des accords de confiance. Nous savons tous combien notre France est diverse, combien est importante l’intimité des décideurs publics avec le terrain de leur action. La centralisation jacobine traduit trop souvent la peur élémentaire de perdre une part de son pouvoir. Conjurons-là. Osons expérimenter, déconcentrer, c’est indispensable pour les territoires ruraux comme pour les quartiers difficiles ; osons conclure avec nos territoires et nos élus de vrais pactes girondins fondés sur la confiance et sur la responsabilité.
La conférence des territoires qui sera bientôt lancée et sera conduite par le Premier ministre répond à cette préoccupation. Il ne s’agira pas uniquement d’une conférence budgétaire ou financière, mais de trouver ensemble les moyens d’adapter nos politiques aux réalités locales, et je pense en particulier aux collectivités d’Outre Mer qui doivent avoir tous les moyens pour réussir.
C’est ce même esprit de confiance qui fonde cette République contractuelle que d’ores et déjà nous faisons avancer dans la société et le monde du travail en donnant à celles et ceux qui sont au plus près de la réalité de l’entreprise une capacité plus grande à réguler le quotidien, non dans le rapport de force, mais dans un cadre nouveau et partagé.
Nous savons tous et toutes que la confiance exige un soin plus grand que l’usage unilatéral de l’autorité. Nous savons aussi qu’elle produit de plus grands résultats et qu’elle suscite cette concorde sans laquelle il n’est pas de vie civile supportable.
La France a vécu assez d’épreuves, connu assez de grandeurs pour n’être pas ce peuple-enfant que l’on berce d’illusions. Chaque Français a sa part de responsabilité et son rôle à jouer dans la conquête à venir. En retrouvant l’esprit de nos institutions, nous redonnerons à la nation tout entière le sentiment de retrouver la maîtrise de son destin, la fierté de reprendre en main le fil de son histoire. C’est la condition même de la réconciliation de notre pays.
Pour être au rendez-vous que le Peuple nous a donné, il ne nous est pas permis d’attendre. C’est pourquoi j’aurai besoin pour notre République de la mobilisation de tous autour de quelques grands principes d’action. Il ne s’agit pas ici pour moi de décliner l’action du gouvernement, comme certains se plaisent à le craindre ou à le souhaiter. C’est la tâche du Premier ministre, c’est le sens même et la force de nos institutions. Et je n’égrènerai pas ici non plus tous les secteurs, les métiers, les territoires. Que chacun sache néanmoins que ces grands principes parlent pour tous.
Le premier principe doit être la recherche d’une liberté forte. En matière économique, sociale, territoriale, culturelle, notre devoir est d’émanciper nos concitoyens. C’est-à-dire leur permettre de ne pas subir leur vie mais bien d’être en situation de la choisir. De pouvoir « faire » là où trop souvent nos règles entravent au prétexte de protéger.
Je crois à cet esprit des Lumières qui fait que notre objectif à la fin est bien l’autonomie de l’homme libre, conscient et critique.
Trop de nos concitoyens aujourd’hui se sentent encore prisonniers de leurs origines sociales, de leur condition, d’une trajectoire qu’ils subissent. Or l’enclavement, l’isolement, l’absence d’accès aux transports à toutes les formes des nécessités de ce siècle nouveau, assignent à résidence des millions de nos compatriotes.
La liberté forte que nous avons à bâtir, c’est ce combat pour toutes les mobilités, ce combat pour les accès, ce combat pour que nul de nos concitoyens ne soit exclu des voies du progrès, du droit de faire, d’essayer pour échouer peut-être ou pour réussir.
C’est le combat de la mobilité économique et sociale par le travail et par l’effort pour tous nos concitoyens, quel que soit leur quartier, leur prénom, leur origine. C’est le combat pour l’égalité pleine entre les femmes et les hommes. Ce beau combat dont notre pays a perdu il y a quelques jours, quelques jours à peine, une figure essentielle en Madame Simone VEIL.
La liberté forte, c’est la liberté de choisir sa vie. Car la liberté est ce qui réconcilie précisément la justice et l’efficacité, la possibilité de faire et l’égalité vraie. La liberté d’expérimenter, de se tromper, d’essayer encore. On n’embarque plus dans son existence pour un voyage au long cours. Nos vies sont explorations, tentatives, recherche. Sachons inventer cette liberté-là avec les nouvelles protections individuelles qui l’accompagnent, en assurant l’éducation, la formation et les sécurités utiles aux grandes étapes de la vie, précisément pour construire une existence.
C’est tout le sens des transformations économiques et sociales profondes que le gouvernement aura à conduire dans les prochains mois : libérer et protéger, permettre d’innover en construisant une place pour chacun.
Et je souhaite qu’il ne cède rien aux fausses promesses, ni à celle d’une liberté qui oublierait toutes les sécurités individuelles car à la fin elle promet le malheur. Ni la société des statuts qui au nom des règles acquises prétend protéger quand tant et tant sont au bord de la route, quand le chômage est au niveau qu’on lui connait et l’exclusion là où elle est. Vouloir la liberté forte c’est tout cela.
En ces temps de terrorisme, vouloir la liberté forte c’est aussi assurer la liberté de chacun et garantir le plein respect des libertés individuelles.
Je veux ici vous avec franchise parler de ce que trop souvent on n’ose pas nommer : le terrorisme islamiste et les moyens de le combattre.
Que devons-nous aux victimes ? Que devons-nous à nos compatriotes qui sont morts ? Que devons-nous à la France endeuillée par ces assassinats marqués du sceau de la lâcheté, de la bêtise, de l’aveuglement ? Certainement pas de nous limiter à l’esprit victimaire ou à la seule commémoration. Nous leur devons la fidélité à nous-mêmes, à nos valeurs et à nos principes. Renoncer, c’est concéder au nihilisme des assassins sa plus belle victoire.
D’un côté, je rétablirai les libertés des Français en levant l’état d’urgence à l’automne, parce que ces libertés sont la condition de l’existence d’une démocratie forte. Parce que les abandonner c’est apporter à nos adversaires une confirmation que nous devons leur refuser. De tout temps les adversaires de la démocratie ont prétendu qu’elle était faible et que si elle voulait combattre il lui faudrait bien abandonner ses grands principes. C’est exactement le contraire qui est vrai. Le code pénal tel qu’il est, les pouvoirs des magistrats tels qu’ils sont, peuvent, si le système est bien ordonné, bien organisé, nous permettre d’anéantir nos adversaires. Donner en revanche à l'administration des pouvoirs illimités sur la vie des personnes, sans aucune discrimination, n’a aucun sens, ni en termes de principes, ni en termes d’efficacité.
Mais d’un autre côté, je souhaite que le Parlement puisse voter ces dispositions nouvelles qui nous renforceront encore dans notre lutte. Elles devront viser explicitement les terroristes à l’exclusion de tous les autres Français. Elles comporteront des mesures renforcées, mais qui seront placées sous la surveillance du juge dans le respect intégral et permanent de nos exigences constitutionnelles et de nos traditions de liberté.
La démocratie n’a pas été conçue simplement pour les temps calmes. Elle vaut surtout pour les moments d’épreuve. Il est là, le chemin de l’efficacité, et c’est le même chemin que celui des valeurs. Un pays rassemblé, uni sur ses principes, une société pleinement consciente de ce qui la fonde sont invincibles. Tel est exactement le sens profond des textes que vous aurez à examiner. Ils visent à nous libérer de la peur, de l’aliénation à la volonté de nos adversaires. Nous travaillerons à prévenir tout nouvel attentat, et nous travaillerons à les réprimer, sans pitié, sans remords, sans faiblesse, avec d’autant plus de force que nous n’aurons cédé sur rien de ce qui nous constitue. J’en prends l’engagement ici devant vous, et, au-delà, devant le peuple français.
Répondre aux terroristes ce n’est pas changer notre Constitution chaque matin, ça n’est pas renoncer au principe de notre République parce que rappelons-le c’est au plus fort de la guerre d’Algérie qu’a été construite, votée cette disposition de notre Constitution qui prévoit précisément que l’autorité judiciaire est la gardienne de nos libertés. Alors montrons-nous dignes aujourd’hui de la fermeté d’âme de ceux qui nous ont précédés dans les épreuves.
Enfin, la liberté forte c’est toujours, en France, la liberté de conscience. C’est-à-dire la liberté intellectuelle, morale, spirituelle. Et de cette liberté, la France doit être l’indispensable havre. L’éducation et la culture en sont les clés. Elles sont au cœur de mon action car, en cette matière, rien n’est jamais acquis.
Les progrès de l’obscurantisme nous rappellent ainsi à l’idéal des Lumières. Et la laïcité en est l’indispensable corollaire. A ces principes et à ces ambitions, la République a su ne rien céder car ils sont la condition même de l’autonomie de nos concitoyens.
De cette culture libérale, ouverte, généreuse, nous devons refaire ensemble la singularité de la France car c’est par là que toujours elle sut rayonner. Au sein de la culture mondialisée et dont on observe la prolifération parfois inquiétante, la voix de la France et de la culture française doivent occuper une place éminente, associant tous les Français de métropole et d’outre-mer.
Mais cette liberté ne se tiendrait pas si notre deuxième principe d’action n’était de retrouver le socle de notre fraternité.
Notre peuple n’est pas formé d’un peu plus de soixante millions d’individus qui cohabiteraient. Il est indivisible, précisément parce que ce qui le tient est plus fort que de simples règles ou que des organisations, c’est un engagement, chaque jour répété qui fait que notre citoyenneté n’est jamais abstraite et froide mais qu’elle est pleine et entière que par ce lien fraternel qui nous unit et dont nous devons retrouver la vigueur.
L’un des drames de notre pays, c’est que cet engagement est tout simplement impossible pour ceux que les dysfonctionnements de nos systèmes sclérosés rejettent en permanence sur les marges.
Il nous reviendra, au cours de ce quinquennat, de prendre la vraie mesure de cette question, de redéfinir nos moyens d’actions, sans nous laisser arrêter par de vieilles habitudes, en associant l’Etat, les collectivités, les associations, les fondations, l’ensemble des Françaises et des Français engagés bien souvent bénévoles, toutes les entités qui, privées ou publiques, œuvrent à l’intérêt général et pour la dignité des personnes.
Nous devons substituer à l’idée d’aide sociale, à la charité publique, aux dispositifs parcellaires, une vraie politique de l’inclusion de tous. La représentation nationale y trouvera un enjeu, un défi, à sa mesure.
Ne vous y trompez pas, cette question est la plus profonde, la plus sérieuse qui soit, parce que notre société est aujourd’hui divisée entre les égoïsmes tentés par les sirènes de la mondialisation qui voudraient faire croire qu’on peut réussir à quelques uns, que les nomades en quelque sorte dicteraient leur loi. Et de l’autre côté les donneurs de leçons, les tenants d’une morale sans bras qui voudraient qu’on oublie toutes les contraintes du réel pour s’occuper d’une partie de la société.
Il n’y aura pas de réussite française si chacune et chacun n’y a pas sa place, si la pauvreté, pour mettre un nom sur cette réalité, si toutes celles et ceux qui vivent dans la misère, dans l’exclusion, qui sont privés de cette route Auguste que peuvent emprunter quelques uns n’ont pas aussi leur place. Et cela c’est notre devoir. Cela passera par des réformes économiques et sociales profondes que vous aurez à décider et à voter. Elles sont indispensables et elles permettront de redonner cette énergie sans laquelle notre société n’est rien.
Il faudra aussi savoir trouver ce que Georges BATAILLE appelait « notre part maudite », une place, une considération, une vraie réponse enfin.
Car en définitive, le sentiment d’appartenance existe moins qu’avant. Nos sociétés modernes ont tendance à se fractionner au gré des intérêts, des égoïsmes, des idées de chacun.
Et là encore, il nous revient, dans l’action politique, de résister aux forces de division, aux effets de dislocation qui sont à l’œuvre et qui ne sont aucunement invincibles pour peu qu’on s’en donne les moyens. L’appartenance ne se décrète pas. Aussi cette solidarité doit-elle trouver ses formes concrètes. L’école en est le premier creuset, notre université ensuite, nos familles également, notre culture, la langue, l’accès aux savoirs, l’ouverture à des possibles qui nous rassemblent forgent un peuple mais ces solidarités organiques que nous avons mésestimées, c’est aussi ce qui tient notre société et face à la crise morale et de civilisation que nous vivons, nous devons savoir forger à nouveau ces solidarités profondes et un imaginaire puissant et désirable où chacun trouvera sa place.
C’est aussi cela la réponse que nous devons apporter à ce qui corrompt la société. Je parlais tout à l’heure du terrorisme islamiste, il y a bien sûr la réponse sécuritaire mais elle ne sera rien ou elle ne sera qu’une poursuite de chaque jour si par l’éducation, la culture, la morale profonde au sens plein du terme qui doit infuser notre société, notre imaginaire collectif et nos solidarités à nouveau, nous ne nous décidons de rebâtir ce qui nous tient comme un peuple dont l’histoire est cette énergie profonde, ce qui lui a permis de relever tant et tant de drames et de ne jamais s’affaisser.
La réponse à tout ce que nous vivons, ce ne sera ni des lois ni des règlements, c’est cette dignité collective retrouvée, c’est cette volonté de faire à chaque instant, c’est cette responsabilité que chacune et chacun portent dans la société de redonner du sens, de savoir qui nous sommes, pourquoi nous sommes là. Ce qui nous tient d’avoir à chaque instant en tête la nature du défi qui est le nôtre et de ne rien céder à la lèpre de l’esprit du moment de divisions, d’accusations, c’est tout cela qui durera, ce qui nous dépasse, ce qui nous a fait, ce qui nous a forgés !
Le troisième principe d’action de notre mobilisation sera de redonner place à l’intelligence française.
Et par l’intelligence, je pense évidemment aux grandes découvertes, aux chercheurs, à nos grands physiciens, à nos grands médecins, aux inventeurs, aux innovateurs à tout ce qui fait et a fait la fierté de notre pays et qui est là encore présente forte sur tous les territoires, qu’il nous faut reconnaître, montrer, qu’il nous faut savoir célébrer trop de fois, là où nous avons préféré jalouser.
Je pense aux écrivains, aux philosophes, aux historiens, aux cinéastes, qui continuent d’apporter au monde ce regard libre des préjugés qui fait notre force ; je pense aux peintres ou aux musiciens qui remettent, au fond, la politique à sa juste place en nous faisant entrevoir un au-delà de l’existence immédiate qui rend à la condition humaine sa grandeur, sa beauté, souvent son tragique.
Redonner toute sa place à l’intelligence française, c’est aussi se refuser à toutes ces incohérences qui nous minent. Et nous n’y parviendrons qu’au prix d’un véritable effort de réflexion collective. Nous ne pouvons pas, par exemple, continuer d’affirmer hautement notre attachement aux principes de l’asile, tout en nous abstenant de réformer en profondeur un système qui, débordé de toutes parts, ne permet pas un traitement humain et juste des demandes de protection émanant d’hommes et de femmes menacés par la guerre et la persécution, ceux qu’on appelait en 1946 les combattants de la liberté.
Redonner sa place à l’intelligence française, c’est faire de notre pays le centre d’un nouveau projet humaniste pour le monde, le lieu où l’on concevra, créera une société qui retrouve ses équilibres : la production et la distribution plutôt que l’accumulation par quelques-uns, l’alimentation saine et durable, la finance équitable, le numérique au service de l’homme, la fin de l’exploitation des énergies fossiles et la réduction des émissions, pas parce que c’est à la mode, pas parce que ça ferait plaisir à quelques-uns, parce que c’est ce niveau d’ambition qui a toujours été le nôtre, parce que précisément, c’est quand le quotidien est difficile qu’il faut réconcilier tant de contraires que tout nous pousse si nous n’écoutons que les égoïsmes du quotidien, ou le court terme à ne pas faire que nous devons aller de l’avant, regarder un cap, le fixer et le porter pour le monde parce que c’est cela la vocation de la France !
La France n’est pas un pays qui se réforme, c’est faux, pardon, Monsieur le Premier ministre, de vous annoncer aujourd’hui devant le Congrès. La France est un pays qui résiste aussi longtemps qu’il est possible de ne pas réformer, un pays qui se cabre quand on lui parle mal, quand on ne lui explique pas, quand on ne le respecte pas, quand on ne parle pas à sa dignité et à son intelligence !
Mais c’est un pays qui face aux défis qui à chaque fois auraient dû l’abattre s’est profondément transformé, a su trouver en lui-même ce sens de l’histoire de l’humanité qui a fait la France.
Votre défi aujourd’hui, notre défi, c’est celui-là ! Alors, vous passerez des jours, des nuits, nous passerons sans doute des jours et des nuits dans des sujets qui font le quotidien de nos concitoyens et qui sont chacune et chacun importants. Mais à chaque fois, ce sera cet horizon et ce cap que nous devrons avoir à l’esprit.
Redonner sa place à l’intelligence française, enfin, c’est comprendre que les Français sont précisément assez intelligents pour faire leur chemin tout seuls. Ce ne sont pas les Français qu’il faudrait désintoxiquer de l’interventionnisme public, c’est l’Etat lui-même. Il faut évidemment protéger les plus faibles, dans le droit du travail en particulier. Il faut bien entendu reconnaître la part essentielle de nos services publics et de tous nos fonctionnaires qui jour et nuit sans compter leur énergie font justement cette force ! Mais protéger les plus faibles, ce n’est pas les transformer en mineurs incapables, en assistés permanents de l’Etat, de ses mécanismes de vérification et de contrôle. C’est de leur redonner, et à eux seuls, les moyens de peser efficacement sur leur destin. Tout sera fait pour rendre aux Français cette autonomie qu’on leur a disputée puis confisquée. Redonner sa place à l’intelligence française, c’est permettre à chacun, à chaque territoire de réussir, de s’engager.
J’en viens à présent au dernier principe de l’action que j’entends mener : construire la paix.
Nous le savons, ce monde dans lequel nous dessinons pour la France un chemin, à la fois neuf et fidèle à sa vocation ancienne, est un monde dangereux. Notre environnement, y compris notre environnement proche, se caractérise par l’accumulation des menaces. C’est bien l’ombre de la guerre qui, à chaque nouvelle crise, se profile. La déflagration mondiale n’est plus le spectre que brandissent les pessimistes : elle est pour les réalistes une hypothèse sérieuse. Les affirmations de puissance reviennent ou émergent. Les mouvements terroristes se développent dans de multiples régions avec des moyens qui augmentent leur capacité de nuisance. Ils sont là dans nos sociétés. Les guerres régionales atteignent des degrés nouveaux de barbarie. Les alliances d’hier s’effritent, l’ordre multilatéral doute de lui-même, les régimes autoritaires ou les démocraties « illibérales » fleurissent.
L’espace cybernétique propage et amplifie les instruments de cette guerre du tout contre tous. La dérive du monde impose son rythme erratique, ses excès en tous genres, détruisant l’homme, le déracinant, effaçant sa mémoire, bousculant son imaginaire. C’est cela le monde dans lequel aujourd’hui nous vivons ! Il ne s’agit pas de l’appréhender avec un pessimisme défait, non ! Cela nous impose des devoirs, les plus graves sans doute qu’une Nation puisse porter, celui de maintenir ouverte partout la voie de la négociation, du dialogue et de la paix face aux entreprises les plus sinistres.
La vocation de la France, sa fidélité à son histoire est de savoir construire la paix et promouvoir la dignité des personnes.
C’est pourquoi partout nous devons agir d’abord pour protéger nos intérêts et au premier chef notre sécurité. C’est ce qui m’a conduit à réaffirmer notre engagement au Sahel comme au Levant, pour lutter contre le terrorisme et contre tous les fanatismes dans notre intérêt comme dans celui des peuples concernés. Et je sais là l’engagement de nos forces armées chaque jour depuis tant de mois. Mais une telle action ne peut être efficace que si elle s’inscrit dans la durée et vise donc à construire les solutions politiques permettant la sortie de crise et donc de savoir dans toutes ces régions parler avec toutes les puissances, y compris celles qui ne partagent pas nos propres finalités ou nos propres valeurs pour trouver une issue et la construire !
Je ne vous proposerai pas dans ce cadre de nous substituer à d’autres peuples parce que nous voudrions ailleurs imposer nos principes ou nos valeurs car je ne veux pas qu’apparaissent de nouveaux Etats faillis.
Toujours la France doit respecter en même temps qu’elle lutte contre le terrorisme et tous les excès, en même temps qu’elle protège sa propre sécurité et ses valeurs, elle doit respecter la souveraineté des peuples. Mais partout où les libertés ne sont pas respectées, nous œuvrerons, à travers notre diplomatie et nos actions de développement, afin d’aider les minorités, de travailler au service des sociétés pour le respect des droits. Cela suppose un travail exigeant, parfois long et ingrat, qui impose de replacer la France au cœur du dialogue entre les nations. C’est depuis plusieurs semaines ce que je m’emploie à faire, du Mali à l’Ukraine en passant par la Syrie, en passant par le Golfe, en échangeant en profondeur avec tous les dirigeants du monde. La France doit partout contribuer à bâtir ou rebâtir des équilibres multiples, même si parfois ils demeurent fragiles.
Notre outil militaire dans ce contexte revêt une importance majeure. J’ai déjà ordonné une revue stratégique de défense et de sécurité. Avec comme fils directeurs les principes d’indépendance et d’autonomie de décision, nos armées assureront les missions que je leur ai confiées : la dissuasion, clé de voûte de notre sécurité ; la protection de nos concitoyens et de nos intérêts ; l’intervention là où le respect du droit et de la stabilité internationale sont menacés. La prévention des crises et leur résolution sera gérée de manière globale en n’oubliant jamais que seuls la stabilisation et le développement permettent de créer les conditions d’une paix durable.
Nos forces armées sont les conditions de cette capacité de dialogue, de cette crédibilité française et de cette capacité partout à construire la paix. Et cette indépendance que j’appelle de mes vœux ne veut pas dire pour autant solitude. La France sera fidèle à toutes ses alliances.
Les prochaines années seront pour nos armées celles d’un renouvellement stratégique et tactique. Je sais qu’elles y sont prêtes car elles sont aux avant-postes du monde tel qu’il va, avec cette vigilance et cet engagement qui font honneur à notre pays.
Vous le voyez, les menaces n’ont jamais été si grandes et l’ordre multilatéral est sans doute plus fragilisé qu’il ne l’a jamais été, divisé, bousculé alors que plus que jamais, elle est sans doute nécessaire.
Dans les années à venir, le rôle de la France sera de défendre la sécurité, l’égalité face aux excès, les libertés, la planète face au réchauffement climatique, tout ce qui constitue notre bien commun universel et qui aujourd’hui dans trop d’endroits est remis en cause !
Toucher du doigt le moment inédit que nous vivons. Nous nous sommes bâtis depuis le 18ème siècle sur un équilibre que nous pensions de toute éternité, entre des démocraties, des valeurs libérales, nos libertés, une économie de marché qui permettait le progrès des classes moyennes. Tout cela est aujourd’hui profondément basculé, transformé, menacé.
Des régimes autoritaires réussissent dans l’économie de marché. Des démocraties que nous croyions hier des alliés de toujours menacent l’ordre international, se mettent à douter de ses propres règles. Notre vocation, notre rôle aujourd’hui, c’est précisément, plus encore qu’hier, de les rappeler, de les porter, de les faire, de les tenir. Ce sera cela mon cap, notre cap et aucun autre.
Ce cours du monde en quelque sorte vient éprouver notre résistance et notre cohérence. C’est à titre d’exemple ce que nous vivons avec les grandes crises migratoires qui traversent aujourd’hui l’Afrique, la Méditerranée et à nouveau l’Europe. Les mois prochains, nous aurons des décisions difficiles à prendre et nous devons à la fois mieux les prévenir par une politique de sécurité et de développement ambitieuse sur toutes les zones de fragilité et de conflit. Nous devons réexpliquer et agir partout, quand il y a la guerre, quand il y a le réchauffement climatique qui déstabilisent tant de ces régions.
Mais nous devons aussi mieux endiguer ces grandes migrations par une politique de contrôle et de lutte contre les trafics de personnes. Il faut pour cela, de manière coordonnée, en Europe, mener une action efficace et humaine qui nous permette d’accueillir les réfugiés politiques qui courent un risque réel, car ce sont là nos valeurs, sans les confondre avec des migrants économiques et abandonner l’indispensable maintien de nos frontières.
Pour réussir à tenir ce cap, nous avons besoin d’une Europe plus forte et refondée. Plus que jamais, nous avons besoin de l’Europe. Or, là aussi, plus que jamais sans doute elle est affaiblie par les divisions, par le doute qui s’est installé dans notre peuple.
Pourtant, l’Europe est chez nous autant que nous sommes en Europe. Parce qu’il est impossible de penser notre destinée continentale autrement qu’au travers du projet Européen. L’Europe, l’Europe, c’est nous. C’est un projet de paix, de liberté, de progrès, qui a été pensé et agi avec courage par les générations qui nous ont précédés et avaient vécu la guerre. Nous voudrions aujourd’hui oublier tout cela ! Considérer que face aux divisions, face au Brexit et à tant de soubresauts de l’Histoire, la réponse serait dans une diminution encore supplémentaire, dans une forme d’abandon, dans un bégaiement de l’Histoire.
Négliger l’Europe, s’habituer à la concilier, à en faire le coupable de tous nos maux, c’est trahir ces générations qui nous ont précédés. C’est trahir ce qui fait qu’aujourd’hui, là où nous sommes, nous pouvons librement débattre de l’Europe, pour l’aimer ou pas.
Mais négliger l’Europe, s’habituer à n’en faire qu’un objet de négociation technique, c’est aussi en quelque sorte abdiquer notre Histoire et diminuer la France.
La construction européenne est aujourd’hui également – il faut bien le dire et le voir – fragilisée par la prolifération bureaucratique, par le scepticisme croissant qui en découle.
Je crois fermement à l’Europe. Mais je ne trouve pas toujours ce scepticisme injustifié. C’est pourquoi je vous propose de reprendre de la hauteur, de sortir de la tyrannie des agendas et des calendriers, des méandres de la technique.
La décennie qui vient de s’achever a été pour l’Europe une décennie cruelle. Nous avons géré des crises. Mais nous avons perdu le cap. C’est pourquoi, il revient à une génération nouvelle de dirigeants de reprendre l’idée européenne à son origine, qui est politique dans son essence, une association volontaire réaliste et ambitieuse d’Etats décidés à faire prévaloir des politiques utiles en matière de circulation des personnes et des biens et notamment de la jeunesse, en matière de sécurité, en matière monétaire et fiscal, mais aussi en matière politique, culturelle.
Les pays de l’Europe, pour lesquels celle-ci ne se réduit pas au marché, mais dessine un espace ou une certaine idée de la valeur de l’Homme, de l’exigence de justice sociale sont reconnus comme prééminents. Ces Etats-là, ces pays doivent se ressaisir d’un projet décisif et s’organiser en conséquence. Fût-ce au prix d’un examen sans complaisance de notre fonctionnement actuel.
Nous avons une tâche au quotidien à mener, humblement. Je l’ai commencé, grâce au mandat du peuple, d’avoir une Europe qui protège davantage, de procéder aux réformes indispensables, de porter l’ambition européenne dans de nombreux sujets qui font notre quotidien. Mais cela ne suffira pas. Il revient à la France de prendre l’initiative et je souhaite le faire, dans les prochains mois, grâce et par le travail étroit que j’ai d’ores et déjà engagé, en particulier avec la Chancelière d’Allemagne.
D’ici la fin de l’année, sur ces bases, partout en Europe, nous lancerons des conventions démocratiques pour refonder l’Europe justement sur ce projet politique premier, sur cette ambition première qui unit les Hommes. Libre à chacun ensuite d’y souscrire ou non.
Mais le temps n’est plus aux raccommodages. Il faut reprendre l’Europe à son début, si je puis dire, à son origine même, et faire par là revivre le désir d’Europe, en ne laissant pas le monopole du peuple et des idées aux démagogues ou aux extrémistes, en ne faisant pas de l’Europe non plus un syndic de gestion de crises qui cherche chaque jour à allonger son règlement intérieur, parce que les voisins ne se font plus confiance.
Nous devons retrouver le souffle premier de l’engagement européen. Cette certitude où furent les visionnaires des siècles passés et les pères fondateurs de l’Europe, que la plus belle part de nos histoires, de nos cultures s’exprimerait justement, non dans la rivalité, encore moins dans la guerre, mais dans l’union des forces. Non dans l’hégémonie de l’un ou l’autre, mais dans un équilibre respectueux qui nous fera toutes et tous réussir.
C’est cette Union dont notre temps a besoin. Parce que c’est cette Union seule qui permettra de relever les défis de la modernité. Parce que c’est bien dans cette Europe que nous partageons une vision commune du monde et de l’homme, une vision trempée aux mêmes sources, forgée par les mêmes épreuves de l’Histoire.
Ces défis sont la transition écologique, qui refonde le rapport de l’homme et de la nature ; la transition numérique qui réécrit les règles sociales et nous oblige à réinventer ce droit continental où depuis tant de siècles, nous avons voulu que la norme respecte l’Homme.
C’est enfin le défi de l’Humanisme contemporain face aux dangers du fanatisme, du terrorisme, de la guerre, auquel nous répondrons par une Défense plus européenne en cours d’édification, mais aussi par une Europe de la culture et de l’innovation.
La paix n’est pas seulement le socle de l’Europe. Elle en est en l’idéal, toujours à promouvoir et seule l’Europe et la France en Europe aujourd’hui peuvent y parvenir.
Alors, oui, nous romprons avec les facilités que nous nous étions données au cours des années précédentes, pour être à la hauteur de ce que le moment exige de nous. Fernand BRAUDEL le disait : « L’Europe ne sera pas, si elle ne s’appuie sur ses vieilles forces qui l’ont faite, qui la travaillent encore profondément, d’un mot, si l’on néglige tous ses humanismes vivants. » Ne les négligeons plus.
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Nous connaissons à présent l’enthousiasme des commencements, mais la gravité des circonstances nous empêche d’en ressentir aucune ivresse. Le terrorisme n’a pas désarmé. La construction européenne est en crise. Nos équilibres financiers sont dégradés, notre dette considérable. L’investissement productif encore faible et le chômage toujours insupportable. La dureté de la vie est là pour tant et tant de nos concitoyens.
Mais le peuple français nous a fait connaitre ses volontés, et nous en serons les serviteurs.
Il y aura de l’imprévu, des oppositions, des moments difficiles, mais nous ne laisserons pas un instant tous ces aléas nous décourager.
Devant chaque difficulté, au lieu de baisser les bras, nous en reviendrons à l’essentiel et nous y puiserons une énergie plus grande encore. J’y suis prêt. Je suis sûr que vous l’êtes aussi. Car par notre engagement les Françaises et les Français retrouvent leur fierté. Parce que nul ici n’a intérêt collectivement à ce que la France échoue ou n’avance suffisamment vite.
Le peuple français ne nous demande pas seulement de l’efficacité. L’efficacité c’est un instrument ! Et puis on peut être tout à fait efficace au service d’une mauvaise cause. Non, il nous demande ce que la philosophe Simone VEIL appelait l’effectivité. C’est-à-dire l’application concrète, tangible, visible des principes qui nous guident. Le refus d’être pris en défaut, et de clamer des principes dont nous ne poursuivons pas sans relâche l’application.
Le principe d’effectivité, c’est pour vous, pour moi, pour le gouvernement, de ne jamais cesser de se demander si nous sommes en pratique fidèles à nos principes, c’est-à-dire d’abord à la liberté, l’égalité, la fraternité.
Ce que nous avons à accomplir c’est une véritable révolution. Nous sommes ici, vous et moi pour renouer avec ce courage français qui ne se laisse pas distraire par ceux qui n’ayant su aller nulle part sont en quelque sorte revenus de tout.
Nous devons à chaque instant être à la hauteur de cet espoir français par l’engagement de tous. Car ne vous y trompez pas les forces adverses continuent d’être puissantes, non pas tant au Parlement où les oppositions légitimes s’expriment, non pas dans la rue, tout simplement dans les têtes.
En chacun de nous il y a un cynique qui sommeille. Et c'est en chacun de nous qu'il faut le faire taire, jour après jour en lui rappelant sans cesse le devoir qui est le nôtre, en lui rappelant sans cesse le moment que traverse notre pays. Et cela se verra. Alors nous serons crus. Alors nous rendrons le service que le peuple français attend de nous avec humilité. Alors nous resterons fidèles à cette promesse de nos commencements, cette promesse que nous tiendrons parce qu'elle est la plus grande, la plus belle qui soit : faire à l'homme, enfin, un pays digne de lui.
Vive la République ; vive la France.