La disparition de Lou Reed, ce 27 Octobre 2013 provoque en moi au-delà de la tristesse, une sorte de flash-back sur ces années si particulières : la fin des Sixties et le début des Seventies.
J’avais découvert à Pondy le rock et commencé à me familiariser à la guitare rapportée par mon cher Père à qui je pense très fort au moment où j’écris, m’essayant aussi de chanter.
Notre répertoire en ces années 67 à 69 était plutôt boogie, avec les influences des Shadows et des Ventures sans oublier Bill Haley ou Little Richard et bien sûr Elvis Presley.
Je pense que quelque chose se produisit surtout pour mon frère aîné, quand nous avons pour la première fois écouté les Beatles avec notamment Rock and Roll Music jusqu’à Let it Be !
Quant à moi ma révolution survint mais ne l’ai-je trop souvent dit ou écrit quand jaillit «Satisfaction » de mes chers Rolling Stones.
Rentrés en France, nous nous sommes très vite distingués de nos camarades de classe par nos connaissances en Pop – Rock, d’autant que nous jouions et étions les seuls d’ailleurs à jouer de cet instrument miraculeux. Mes parents pour me distraire de cette « musique de voyou et de débauchés » m’avaient inscrit au conservatoire en section de guitare classique. Je ne leur en veux pas, bien au contraire !
Nous nous retrouvions après les cours à quelques-uns tous animés de ce désir d’émancipation, de rébellion à cet ordre pompidolien dérivé de la monarchie gaullienne. On s’écoutait des disques presque achetés sous le manteau et on écoutait l’émission de Jean-Bernard Hebey, presque religieusement, allongés par terre en étoile autour de l’électrophone et du poste de radio.
C’est ainsi que je découvris « The Velvet Underground » avec le look aux fameuses lunettes noires de Lou Reed en même temps que David Bowie !
Le nom même du groupe était évocateur ! La musique apparaissait simple mais pas tant que cela et cette façon de chanter si particulière à Lou Reed et ces mots qui avaient du sens, soit brutal soit tout en finesse, à comprendre entre les lignes.
Le premier morceau que j’ai écouté du Velvet a été « Sweet Jane ». C’était absolument dingue. Une simplicité d’accords mais qui donnait le frisson et puis quand même une façon de jouer peu banale avec quelques contretemps que je loupais régulièrement. J’ai toujours adoré jouer ce morceau. Il n'est pas faux de dire qu'à cette époque particulièrement riche sur le plan musical, les artistes se cotoyaient beaucoup et échangeaient leurs ressentis, trouvant parfois l'inspiration ainsi.
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A côté du Velvet un autre personnage qui m’a beaucoup marqué dans ces années était David Bowie.
Je me souviens que dans ma chambre partagée avec mon frère aîné, mon mur était couvert de posters : les Stones bien sûr et notamment ce poster datant de 70 que j’ai toujours accroché au-dessus de ma tête, de Keith Richards jouant clope au bec !
Mais aussi les posters des Who avec le saut, jambes écartées, de Pete Townsend, et un magnifique poster de David Bowie dans sa période Ziggie où au travers de son micro-short, une "masse ovalaire" pouvait se distinguer !
Dans ma construction d’adolescent volontiers rebelle dans l’âme, par malice et par provocation j’avais aussi orné mon pan de mur de quelques couvertures de Charlie Hebdo, en format glacé que me rapportait un camarade de classe dont le père travaillait à l’imprimerie dont une qui me fait toujours autant rire bien sûr accolée à côté de la fameuse couverture de Hara Kiri annonçant le décès du général de Gaulle.... Mais cela n'avait pas du tout fait rire mon père ....!
Ainsi au cours de ce tout début des seventies, mes années collège en quelque sorte, nous nous forgions du caractère, une personnalité, écoutant les derniers disques pop ramenés çà et là par tel ou tel, dissertant sur des ouvrages comme « les Enfants de Summerhill », regrettant le « non jusqu’au boutisme » de ceux qui avaient eu, disions-nous, cette chance de participer aux évènements de mai 68, refaisant déjà le monde. Mais quand commençait l’émission de JBH, c’était silence total : la seule émission de Pop-Rock sur les ondes qui fut suivie en 1973 par la fabuleuse émission de Georges Lang sur RTL et que j’écoute toujours avec autant d’attention, quarante ans après !
Au Collège Naval, je continuais d’écouter mes disques préférés mais dois-je le dire, un peu bien seul. Mes camarades ne partageaient pas forcément mes goûts pour ces groupes de pop et rock, un peu, parfois beaucoup déjantés et pour certains au look androgyne qui leur faisait dire des âneries. Je leur rendais bien grâce m'enveloppant dans une dégaine un peu froissée bien volontairement, une certaine nonchalance, un sens du non conformisme dans un milieu militaire mais toujours dès qu’un moment de libre apparaissait, ma guitare à la main, je pouvais alors, enfin m’envoler. Je dois dire que dès ces instants une certaine réputation de rebelle à l’ordre établi m’a collé aux basques, mais « tellement souriant » comme la « strasse » et les professeurs l’écrivaient sur mes bulletins scolaires. Il en fut ainsi jusqu’à l’Ecole de santé des Armées !
Au Prytanée, même si l’ambiance générale était plus austère, sans doute parce-que nous avions en classe de Rhéto tellement de parcours singuliers, notre cohésion était sans faille et nous aimions tous je crois cette musique pop, cette musique rock, ce goût de la provocation et la volonté de ne jamais suivre bêtement l'ordre établi !
Notre groupe de rock se forma bien vite et dans notre répertoire figuraient naturellement « Sweet Jane », Vicious » et bien sûr le célèbre « Walk on the Wild Side ». J’assurais sur ce morceau la ligne de basse et je dois dire que malgré sa simplicité, c’est toujours quelque chose de magnifique à jouer.
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Au travers de la disparition de Lou Reed me sont revenues toutes ces images en flash-back, attentif dans mon apprentissage rapide à la vie d’adulte, au poids des mots de ces chansons, conscients de l’état du monde de l’époque, de ses interdits et des espérances pour que la vie soit meilleure, plus aimante, sans pour autant être simplement « Peace and Love » de manière sirupeuse mais bien dans l’esprit rebelle et d’indignation à l’injustice.
Les chansons de Lou Reed m’ont beaucoup donné, m’ont aussi construit tant en musique que dans mes apprentissages à la Réflexion.
Qu’il en soit remercié à jamais et paix à son âme !
2-XI-2013
jcj
Place à Lou Reed !
Sweet Jane
Standing on the corner, suitcase in my hand |
Walk On The Wild Side
Holly came from Miami, F.L.A. |
Vicious
Vicious, you hit me with a flower |
Lou Reed : 2 mars 1942 – 27 octobre 2013