La Philosophie s'est invitée à la table électorale !
Dans le numéro 8 de "Philosophie Magazine", le candidat de l'UMP conversant avec Michel Onfray a une sorte d'aveu stupéfiant ! J'emploie ce mot d'aveu à dessein, car jamais il ne me serait venu à l'esprit qu'il aurait pu penser ainsi.
Au travers de cette notion de l’Inné et des progrès de la Science se dessine aussi la notion du déterminisme génétique. Et là pour vous comme pour moi doivent vous revenir en mémoire tous ces sujets de philosophie que nous avions à traiter : Science et Conscience … Science et Raison … de l’Inné et de l’Acquis … Du déterminisme et du rôle de l’environnement social, etc.. etc.. lors de notre année de Terminale.
Sujets que nous considérions souvent parce qu’ils nous étaient imposés dans un cadre scolaire comme des « sujets- bateau » en philosophie qu'il nous fallait bien traiter sans forcément en mesurer la portée ou même l'intérêt.
Et voilà que comme par magie la Philosophie s’invite à la table de la campagne électorale.
Au début en lisant cet article, je me suis dit comme beaucoup sans doute, que le candidat de l'UMP, s’était fait piéger tout naturellement par le redoutable Michel Onfray.
Mais je me suis dit aussi que si piège il y avait, la capacité d’un homme aspirant à la charge la plus élevée de notre pays, impliquant en quelque sorte d’être le meneur et l’élément fédérateur de tous ceux qui y vivent, ne pouvait et n’aurait pas dû l’entraîner vers ce qu’il a dit. Bien sûr j’entends déjà certains minimiser la portée de ces propos et penser que « je grossis le tableau ».
Afin d’éviter toute manipulation je vous mets en clair cette conversation et aussi le lien vers « Philosophie magazine » dont j’espère qu’il continuera d’être opérationnel longtemps.
Extrait de la conversation entre Nicolas Sarkozy et Michel Onfray parue dans Philosophie magazine n°8
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Nicolas Sarkozy et Michel Onfray - CONFIDENCES ENTRE ENNEMIS
Voici un court extrait du dialogue publié intégralement (sur 8 pages) dans Philosophie magazine n°8. Il s'agit de la fin du premier entretien entre les deux hommes (qui se sont ensuite revus pour prolonger la discussion). Après une première demi-heure extrêmement tendue, la conversation a pris une tournure existentielle, et deux visions de l'homme s'opposent.
(...)
Nicolas Sarkozy : Je me suis rendu récemment à la prison pour femmes de Rennes. J'ai demandé à rencontrer une détenue qui purgeait une lourde peine. Cette femme-là m'a parue tout à fait normale. Si on lui avait dit dans sa jeunesse qu'un jour, elle tuerait son mari, elle aurait protesté : « Mais ça va pas, non ! » Et pourtant, elle l'a fait.
Michel Onfray : Qu'en concluez-vous ?
N. S. : Que l'être humain peut être dangereux. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons tant besoin de la culture, de la civilisation. Il n'y a pas d'un côté des individus dangereux et de l'autre des innocents. Non, chaque homme est en lui-même porteur de beaucoup d'innocence et de dangers.
M. O. : Je ne suis pas rousseauiste et ne soutiendrais pas que l'homme est naturellement bon. À mon sens, on ne naît ni bon ni mauvais.
On le devient, car ce sont les circonstances qui fabriquent l'homme.
N. S. : Mais que faites-vous de nos choix, de la liberté de chacun ?
M. O. : Je ne leur donnerais pas une importance exagérée. Il y a beaucoup de choses que nous ne choisissons pas. Vous n'avez pas choisi votre sexualité parmi plusieurs formules, par exemple. Un pédophile non plus. Il n'a pas décidé un beau matin, parmi toutes les orientations sexuelles possibles, d'être attiré par les enfants. Pour autant, on ne naît pas homosexuel, ni hétérosexuel, ni pédophile. Je pense que nous sommes façonnés, non pas par nos gènes, mais par notre environnement, par les conditions familiales et socio-historiques dans lesquelles nous évoluons.
N. S. : Je ne suis pas d'accord avec vous. J'inclinerais, pour ma part, à penser qu'on naît pédophile, et c'est d'ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie. Il y a 1 200 ou 1 300 jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n'est pas parce que leurs parents s'en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable. Prenez les fumeurs : certains développent un cancer, d'autres non. Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire. Les circonstances ne font pas tout, la part de l'inné est immense.
M. O. : Puisque notre entrevue touche à sa fin, je voudrais vous offrir quelques cadeaux utiles avant que nous nous quittions.
[Michel Onfray tend à Nicolas Sarkozy ses
quatre paquets.]
N. S. [amusé] : Vous croyez que ma situation est si grave ?
[Nicolas Sarkozy déballe ses livres tandis que Michel Onfray commente ses choix.]
M. O. : Totem et Tabou, je vous l'offre parce que Sigmund Freud y traite du meurtre du père et de l'exercice du pouvoir dans la horde. L'Antéchrist de Friedrich Nietzsche, pour la question de la religion, la critique radicale de la morale chrétienne à vous qui, parfois, allez à la messe en famille. Michel Foucault, c'est une lecture que je recommande plus particulièrement au ministre de l'Intérieur, adepte des solutions disciplinaires. Dans Surveiller et punir, Michel Foucault analyse le rôle du système carcéral et de l'emprisonnement, puis de leur relation avec la norme libérale. Pierre-Joseph Proudhon, enfin, car il montre qu'on peut ne pas être libéral sans pour autant être communiste.
N. S. : Ai-je prétendu une chose pareille ?
M. O. [se référant à ses notes] : Oui, dans votre livre Témoignage, page 237 : « Le communisme, l'autre mot de l'antilibéralisme ».... la suite dans Philosophie Magazine de ce mois.
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Nicolas Sarkozy croit ainsi que l’on naît pédophile, que les 1200 ou 1300 jeunes qui se suicident sont « marqués » génétiquement. Et comme pour étayer sa conviction de cette croyance dans ce déterminisme génétique évoque le fait que certains fumeurs meurent de leur tabac et d’autres pas.
Et il assène enfin « les circonstances ne font pas tout, la part de l’Inné est immense »
Ita missa est ! n’est-ce-pas ?
J’en suis resté estomaqué. Pour moi malgré les divergences, les différences, les orientations, les situations qui à un moment ou un autre nous tourmentent tellement que la seule solution peut en être le « départ vers l’autre rive », tout cela mérite qu’on s’y interesse avec attention et sérennité.
Evoquer la part immense de l’Inné revient aussi à se défausser de toute volonté du mieux, à se dire que finalement les gens sont ce qu’ils sont et dans certains cas tant pis pour eux. La société ne peut rien à moins de jouer dans le charity business ou la simple compassion. Qu’un prétendant à la charge du pays dise cela c’est en quelque sorte affirmer que lui président, il ne pourrait donner aucun sens à la Vie, aucune espérance.
Tout serait finalement déjà écrit et s’accomplirait !
J’espérais une cascade de réactions de tous et de manière immédiate.
Le premier des candidats qui a réagi fut François Bayrou qualifiant cela de « propos glaçants » au sens où cela est terrifiant. L’Eglise catholique a aussi réagi immédiatement en soulevant que cette assertion enlevait du sens à la Vie, ôtait tout espoir du Mieux. Plus tard d'autres se sont élevés aussi contre ces propos.
J’avais espéré une même réaction dans la spontanéité et l’immédiateté de la candidate du PS. Cela n’est pas venu, ou alors juste pour dire que si elle avait dit cela "quelle volée de bois vert aurait-elle reçue!", comme cela n’est venu que tardivement d'autres candidats dits de la gauche, de cette gauche qui a pourtant dans son essence philosophique le rôle essentiel dans l’amélioration de la société, la transformation de l'Etre par l’Acquis.
Mais par contre et de manière magnifiquement réactive, sur la « Toile » et par "les anonymes" que de réactions, d’interrogations, de mise en perspective de la Réflexion sur ce vieux débat entre l’Inné et l’Acquis, sur le sens donné à l’environnement social, éducatif pour améliorer la nature humaine, pour permettre et améliorer la cohésion de chacun vers le Tout.
Pour en revenir au candidat de l’UMP, je me suis alors dit que sans doute, (vous devinez bien là ma nature extrême de centriste qui accorde toujours à l’autre un intérêt non partisan dénué d’ostracisme, qui ne peut car ne sait pratiquer le sectarisme et jeter l’opprobre), Nicolas Sarkozy sans doute stressé par Michel Onfray avait dû répondre un peu vite afin de se débarrasser au plus vite de cette conversation. Mais deux jours après dans une interview accordée au journal Libération (refusant d’ailleurs d’en être rédacteur en chef d’un jour pour signifier son esprit rancunier) il reprenait ces propos qui glacent le sang. Et dans la foulée, il évoque sa « naturelle hétérosexualité » comme s’il fallait aussi raccrocher cela à l’ensemble, image subliminale de l’accrochage de certains wagons comme il en a l’habitude, comme il avait accroché ensemble le wagon de l’immigration et le wagon de l’Identité Nationale.
Ainsi pour lui l’homme est prédestiné génétiquement. Ainsi finalement l’homme politique qu’il est, peut se défausser de toute responsabilité. Il suffirait de dépister, de manier une sorte de médecine prédictive.
C’est alors que m’est subitement revenu ce qu’il avait souhaité il y a quelques années s’agissant de dépister dès la maternelle les enfants qui « porteraient » le gêne de la délinquance, pour peu qu’il soit existant et identifiable. Ainsi dès la naissance ou mieux in utero il faudrait pour lui, s’engager vers une batterie de tests, vers la mise en place d’une cartographie génétique et puisqu’il faut aller au bout de cette logique, puisque il n’y a pas de traitement adapté pour peu que l’on considère ces déviances, ces natures différentes de la norme, procéder comme l’on dit s’agissant de virus, à leur éradication.
Cette croyance en ce déterminisme génétiqu cette part immense de l’Inné, ne pourrait in fine, et dans ce seul but qu’il s’accorde, d’éviter la souffrance des « normés » face aux « déviants », que conduire à une pratique d’éradication ! Eugénisme tranquille et justifiable scientifiquement !
Ou alors comme à la fin des années 80, quand nous avons enfin disposé d’un test fiable de dépistage du VIH, lors du débat sur la généralisation et l’obligation du test, la seule vraie question s’était posée. « Certes on va « en » dépister, mais sans traitement, qu’en faisons nous ? ». La réponse nous était venue rapidement de la part de l’extrême droite , lors de l’émission « l’Heure de Vérité » sur la deuxième chaine : « il faut les mettre dans des sidatoriums, des ghettos sanitaires ».
Cela peut être une vision du vivre ensemble.
Elle semble bien, finalement et naturellement, être la vision du vivre ensemble du candidat de l’UMP.
Je n’osais le croire, imaginer cela de sa part. Mais comment ne pas l’admettre quand il le répète désormais publiquement dans certains de ses meetings ? Il s’agit d’une de ses convictions fortes qu’il veut porter comme il le dit souvent « sans complexe ».
Je souhaite que chacun en son âme et conscience réfléchisse sereinement à la portée des propos de Nicolas Sarkozy.
Je souhaite également que chacun en son âme et conscience apprécie le silence spontané et naturel de Ségolène Royal, la candidate du PS, qui n’a réagi sur le fond que de trop longs et lourds jours après et semble – t-il parce qu’il y avait d’autres priorités que cela (justification apportée par son staff de campagne dans plusieurs journaux) et sans doute, voire surtout parce que le mouvement des anonymes s’était déjà ému, exprimé et amplifié au travers de la Toile.
Ces deux attitudes ne peuvent pour moi que justifier l’impératif de glisser dans l’urne le bulletin François Bayrou le 22 avril 2007 dès le premier tour.