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Le blog de Jean-Claude JOSEPH

Nous sommes à quelques jours de la Journée de l'Europe (9 Mai) !

Le Point de cette semaine est consacré à "l'Europe sans les Anglais".

En effet, bientôt devrait se tenir le fameux référendum  sur la sortie ou non des Anglais de l'Union Européenne. 

 

 

 

Valéry Giscard d'Estaing y est interviewé et ce qu'il dit est plus qu'intéressant !

En effet, depuis le traité d'Amsterdam (1997) tout a été fait pour "pourrir" l'idée d'une véritable Union Européenne. En 2001 le traité de Nice fait sombrer tout l'édifice de cette construction européenne, tournant ainsi le dos à la volonté du traité de Maastricht ayant en son sein, il faut le rappeler, les germes d'une véritable fédération européenne.

Ainsi le président de l'époque Jacques Chirac issu des rangs de la droite conservatrice (UDR, RPR, UMP, LR) en complicité avec le premier ministre de la cohabitation  Lionel Jospin (trotskyste issu du Parti Socialiste) ont sciemment mis en l'air l'Union Européenne. L'élargissement au lieu de l'approfondissement a fait saboter cette belle idée.

Le coup de grâce viendra avec le Non de la France au Traité portant Constitution de l'Europe (TCE) le 29 Mai 2005.

Depuis l'Europe est en panne et n'est plus in fine qu'une sorte de zone de libre-échange, retour vers la case départ id est une simple communauté économique ?

Dans son interview l'ancien président de la République Française retrace très bien cet historique.

Réfléchir aux conséquences du Brexit doit prendre en compte ces éléments historiques de sabotage de l'Union Européenne, permis en France par les conservateurs de droite (Chirac et son camp) et les conservateurs de gauche (au PS Fabius et consorts, le parti communiste, l et autres verts).

L'issue du référendum de l'Angleterre est une sorte de véritable curiosité politique et nul ne peut estimer aujourd'hui les conséquences si le Brexit l'emporte !

So Wait and See !

 

L'Europe !

Interview de Valéry Giscard d'Estaing (président de la république française de 1974 à 1981), publié dans le magazine "Le Point" du 5 mai 2016.

Brexit - VGE : "Une opportunité de clarifier les choses"

L'ancien président revient sur l'exception britannique, tacle sévèrement la déliquescence du projet européen et propose ses solutions. Interview.

PROPOS RECUEILLIS PAR ROMAIN GUBERT

Modifié le 05/05/2016 à 19:00 - Publié le 05/05/2016 à 15:52 | Le Point

 

Le Point : Une sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne était inimaginable il y a encore quelques années. Et voilà ! Nous y sommes presque. Comment est-ce arrivé ?

Valéry Giscard d'Estaing : Pour bien comprendre les questions européennes, il est indispensable d'avoir constamment présent à l'esprit le fait qu'il existe trois groupes différents de postures des États situés sur le continent européen. Le premier groupe est constitué de ceux qui n'appartiennent à aucune organisation communautaire, comme la Suisse. Le deuxième groupe comprend les 28 États signataires des traités européens et le troisième ceux d'entre eux qui ont décidé d'avoir une monnaie commune. Ces trois groupes sont distincts, mais la communauté internationale et les commentateurs ne font guère de différence entre les deux derniers ; c'est ainsi par exemple qu'on ne sait pas à quelle Europe le président Obama a voulu s'adresser.

Le cas de la Grande-Bretagne pose un problème particulier. Après avoir refusé de se joindre aux États fondateurs, elle a présenté sa candidature et a été écartée. Ultérieurement, la France a levé son objection et, en 1973, la Grande-Bretagne est entrée dans le deuxième groupe selon une décision ratifiée par deux référendums populaires. La conception de la Grande-Bretagne a toujours été assez simple : la Communauté européenne est une zone de libre-échange accompagnée de quelques politiques communes limitées à ce qui est nécessaire. En revanche, les institutions bruxelloises défendent avec obstination une idée différente. La Commission et le Parlement européen veulent avoir de plus en plus de pouvoir, et ce que j'appelle le « lobby bruxellois » avance pas à pas et prend ses aises avec les traités qui limitent ses attributions. Le conflit est évident, et ces deux attitudes doivent être clairement analysées pour tenter de sortir du brouillard.

À l'Élysée, vous avez vécu les premiers pas européens des Britanniques... Comment cela se passait-il avec eux et notamment, à partir de 1979, avec Margaret Thatcher ?

À l'époque, nous n'étions que 9 États membres et les choses fonctionnaient de manière fluide. Mais, dès son arrivée, Mme Thatcher utilise toute son énergie pour faire pression sur ses partenaires. Elle remet systématiquement en question les traités. Dès novembre 1979, à l'issue du Conseil européen de Dublin, elle lance sa fameuse phrase « I want my money back ! » C'était une situation « non » supportable. Helmut Schmidt me dit : « Thatcher ne lâchera pas. Elle met le fonctionnement de la Communauté en danger, il va falloir céder. » Nous avons tenté de résister, mais Mme Thatcher a fini par obtenir ce qu'elle voulait quelques années plus tard, en 1984, à Fontainebleau.

C'était une faute majeure...

Oui, car cela a créé un précédent. Par la suite, les Britanniques n'ont pas hésité à demander des dérogations (euro, justice, défense...) et ils les ont obtenues. Cela dit, il faut se replacer dans une perspective historique. En 1946, dans son discours de Zurich sur les États-Unis d'Europe, Winston Churchill plaidait pour une Europe forte dont la Grande-Bretagne serait « amie et protectrice ». Il n'imaginait pas alors - et aurait d'ailleurs vraisemblablement refusé - que son pays puisse un jour appartenir à un ensemble comme l'Union européenne. Robert Schuman, lui aussi, pensait que la Grande-Bretagne avait une place singulière en Europe et devait la conserver. Cela tient à l'histoire et à la géographie. Londres a toujours eu cette attitude intermédiaire vis-à-vis du continent - un pied dedans, l'autre dehors.

Et, cela dit, les Britanniques ont tout fait pour entrer dans la Communauté...

Par deux fois, en 1963 et en 1967, le général de Gaulle a refusé l'adhésion britannique. Londres, ulcéré, s'est donné les moyens de convaincre ses futurs partenaires. En 1973, le projet européen était encore en construction. Nous abolissions les droits de douane, nous élaborions une vaste zone commerciale. Pour les Britanniques, il était inenvisageable de ne pas en être.

Et ensuite ?

Une fois entrés, les Britanniques ont essayé d'influencer le fonctionnement de l'Union. Ils ont placé d'excellents fonctionnaires dans les institutions et ont joué le jeu. Tant qu'il n'y avait pas de projet politique fort, cela fonctionnait. Quand le rapport Delors sur l'Union économique et monétaire a été mis sur la table, cela a commencé à se dérégler. Après Maastricht, les choses ont empiré. Non que ce traité fût mauvais - c'est même le dernier bon traité européen ! Mais il venait d'y avoir la chute du mur de Berlin, la fin de l'URSS, la réunification allemande. Très vite, pour diluer cet ensemble dans une vaste zone de libre-échange, Margaret Thatcher a promis aux pays de l'Europe centrale qu'ils pourraient rejoindre l'Union. Ces derniers n'y étaient pas préparés. Ce qu'ils voulaient, c'était surtout entrer dans l'Otan et bénéficier des aides financières de Bruxelles. Ils ont adhéré à l'UE sans se poser de questions sur la nature politique du projet européen. La gestion de ce grand élargissement a été une catastrophe dont le symbole le plus manifeste est le traité de Nice de 2001. Il instituait, notamment, un commissaire par État, ce qui est aberrant : la Commission n'est pas une assemblée représentative des États membres, mais un organe qui doit promouvoir l'intérêt général de l'UE. Ses membres doivent donc être moins nombreux et être choisis non pas en fonction de leur nationalité, mais en raison de leur compétence européenne. À l'heure actuelle, on négocie l'entrée de nouveaux membres, auxquels on laisse miroiter l'espoir de désigner de nouveaux commissaires, ce qui alourdira encore la bureaucratie, sans que les États fondateurs se montrent capables de réagir. Ce traité a, par ailleurs, proclamé une sorte d'égalité entre tous les pays membres en accordant aux petits États un nombre de voix nettement supérieur à leur poids démographique.

Il y a tout de même eu des efforts pour améliorer la gouvernance de l'ensemble...

Oui, c'était un des objectifs de la Convention sur l'avenir de l'Europe, que j'ai eu l'honneur de présider. Il fallait corriger le traité de Nice et surtout remettre à plat ce que pouvait devenir une Europe à 30, en précisant les missions de la Commission, en clarifiant le rôle des États, du Parlement, etc.

Un exemple : nous avons élaboré le système de vote à double majorité, majorité des États et majorité des populations, de manière à éviter que de petits États se coalisent pour obliger l'Allemagne ou la France à prendre des décisions contraires à leur destin. À la Convention, j'ai toujours fait très attention aux particularités britanniques. Je comptais dans l'équipe sir John Kerr, un Britannique très brillant et d'un excellent niveau. Et j'allais régulièrement à Londres sonder Tony Blair, lui expliquer ce que nous étions en train de faire et comprendre en quoi consistaient ses lignes rouges, que nous avons respectées.

Pour les Britanniques, une sortie de l'Union serait une catastrophe, non ? Pour les Européens aussi...

C'est aux Britanniques, et à eux seuls, qu'appartient la décision. La plupart des études montrent que le Brexit serait plus préjudiciable à la Grande-Bretagne qu'au reste de l'Europe - non seulement économiquement, mais aussi en termes d'influence. Il est évident qu'une sortie de l'Union serait contraire à l'évolution des « grands ensembles » de la planète vers lesquels auront tendance à s'orienter les investissements et les avancées technologiques. Mais les Britanniques refusent de se voir imposer de l'extérieur des règles trop nombreuses et qu'un pouvoir anonyme installé à Bruxelles influe sur leur destin. Je pense que leur départ n'entraînerait pas le chaos. Il y aurait alors à établir des accords de libre-échange entre la Grande-Bretagne et les États groupés d'Europe. Cela dit, la sortie de la Grande-Bretagne porterait un coup sérieux à l'image de l'Europe et sa réputation internationale en souffrirait. Quant à l'euro, il serait peu concerné. Il est vraisemblable que c'est la livre qui en pâtirait et qui baisserait par rapport à la monnaie européenne. Pour rester crédible, l'Europe ne peut plus continuer à fonctionner avec de telles contradictions internes : le référendum britannique fournit l'opportunité de clarifier les choses.

Quelle est la responsabilité de la France et de l'Allemagne dans cette situation ?

Face à ces deux logiques, celle de la Grande-Bretagne et celle du lobby bruxellois, les gouvernements français et allemand auraient pu et auraient dû jouer leur rôle. Ces deux pays fondateurs sont en train d'observer ce qu'il se passe comme s'ils n'avaient pas une responsabilité européenne particulière. Face à l'Allemagne, qui a une certaine sympathie passive pour la Grande-Bretagne, la France aurait dû définir la ligne de conduite. Quelle est sa vision européenne aujourd'hui ? Paris n'a plus de stratégie depuis maintenant dix ans et le funeste référendum sur la Constitution européenne. Il aurait fallu dire « non » au projet de Brexit, mais également « non » aux rêves de puissance de Bruxelles, et revenir à une application beaucoup plus stricte des traités. Il fallait également réformer la Commission pour la rendre plus légère et non dépendante des intérêts nationaux. Je suis consterné que personne en France, au gouvernement, ne suive sérieusement les affaires européennes. Ce n'est pas à la hauteur des défis du moment. Sur chaque sujet, même les plus stratégiques, nous avons droit à un bavardage, à un torrent verbal sans fin. Il faut de l'action, non des paroles !

Quels que soient les résultats du Brexit, ce scrutin peut-il avoir des vertus pour l'Europe ?

Le référendum britannique a relancé le débat, et pas seulement en Grande-Bretagne, sur ce que devrait être l'Europe. En France, nous avons une chance, c'est 2017. Les candidats à l'élection présidentielle devront se positionner clairement sur l'Europe qu'ils veulent. Le prochain président de la République devra prendre une initiative forte, avec ou sans la Grande-Bretagne, en direction de l'Allemagne. Pas un citoyen ne veut abandonner l'euro, et l'unification fiscale est souhaitée par 70 % de la population. C'est là qu'il faut avancer.

Comment ?

Nommons un secrétaire général de la zone euro, car, rendez-vous compte, la deuxième monnaie au monde n'a même pas de structure pour programmer et coordonner ses réunions ! La Commission européenne ne peut évidemment pas jouer ce rôle en raison de sa composition. Elle n'est pas légitime dans ce dossier. Ce secrétariat général de la zone euro pourrait revenir à la France, pays fondateur de l'Union européenne et sous-représenté aujourd'hui. Son rôle serait de veiller à la régularité des réunions, de préparer l'ordre du jour et d'assurer la communication avec l'opinion publique. Les réunions des chefs d'État se tiendraient à Strasbourg, pour éviter la confusion avec les réunions de Bruxelles, et il se constituerait un pôle financier allant de Francfort à Strasbourg. L'unification fiscale serait la réalisation la plus ressentie et la mieux vécue par la population : la même monnaie, les mêmes impôts et une puissance économique à l'échelle des grandes puissances du monde !

Que proposez-vous ?

Depuis plusieurs années, je propose la refondation du projet européen avec une dizaine de pays volontaires qui accepteraient un fédéralisme limité à la matière économique et financière : une Europe soudée, davantage intégrée mais respectueuse de la liberté de ses États membres pour tous les autres sujets. Cette Europe, que j'ai baptisée « Europa » pour clarifier le débat, laisserait l'UE organiser le Marché unique et consacrerait ses capacités à bâtir un grand ensemble qui compterait parmi les plus influentes entités du monde.

Europa permettrait de faire entendre, à nouveau, la voix civilisatrice et pacifique de l'Europe, qui manque tant à l'univers actuel !

 

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